L’ÂGE DU BRONZE EN BASSE-NORMANDIE
(- 2 300 / - 2 000 à - 800 av J.-C.)
Bilan de la recherche 1984 - 2004
Avec les contributions de :
Cyril Marcigny1 (coordinateur),
Xavier Savary3, Antoine Verney4 et Guy Verron5
D’après les travaux de :
Chris-Cécile Besnard-Vauterin1, Antoine Chancerel5, Stéphanie Clément-Sauleau1, Fabien Convertini1, Cyrille Billard5,
Dominique Corde1, Jean Desloges5, François Delahaye1, Fabien Delrieu5, Jean-Luc Dron6, David Flotté1, Erik Gallouin1,
Cécile Germain-Vallée3, Emmanuel Ghesquière1, David Giazzon1, Pierre Giraud3, Marie-Noëlle Gondouin1, Agnès Hérard1, Alain Huet7, Ivan Jahier1, Laurent Juhel1, Elven Le Goff1, Hubert Lepaumier1, Guy Leclerc7, Damien Leroy5, JeanYves Noël1, Corinne Peuchet1, Valérie Renault1, Guy San Juan5, Benjamin Van Den Bossche8 et Gérard Vilgrain7.
Restitution du tumulus de Saint-Martin-de-Fontenay (Calvados) (Aquarelle L. Juhel, INRAP)
INRAP : Institut national de recherches archéologiques préventives
Université de Caen (France)
3
SDAC : Service d’archéologie du Conseil général du Calvados
4
Musée ville de Bayeux
5
MCC : Ministère de la Culture et de la Communication
6
EN : Éducation nationale
7
Bénévole
8
Doctorant à l’Université de Paris I
1
2
93
Fig. 1 - Cartographie générale des sites mentionnés dans le texte (DAO A. Ropars, MCC).
94
En 1707, les recherches sur l’âge du Bronze naissaient
en Basse-Normandie avec la découverte du dépôt de
Mesnil-Hue, dans la Manche (de La Roque, 1713). Entre cette date et aujourd’hui, les découvertes se sont
succédé. Toutefois, avant les premières fouilles préventives en 1983 et 1984 (opération de Cosqueville menée
par G. Verron ou celle beaucoup plus lourde du Hague
Dike dirigée par A. Huet) et les premières fouilles d’habitats à Mondeville dans le Calvados (sous la direction
de G. San Juan puis A. Chancerel en 1990), il était illusoire de proposer une première synthèse qui dépasse le
cadre classique mais indispensable de l’analyse chronotypologique des vestiges matériels presque uniquement
représentés par le mobilier métallique. Toutes les approches concernant l’aménagement du milieu, les données
paléo-écologiques, en bref toute tentative ethnologique
était vouée à l’échec, les données faisant cruellement
défaut.
En un peu moins de vingt ans, de nouvelles fouilles et un
programme de recherche (PCR ; Marcigny, 2004 ; une
partie des textes ici présentés est issue directement de
ce travail) sont venus alimenter une problématique qui
pouvait paraître essouflée et il est maintenant possible
300 ans après la découverte de Mesnil-Hue de proposer un premier aperçu de l’âge du Bronze en BasseNormandie (ig. 1).
À l’heure du bilan, il n’est pas inutile de revenir sur ces
vingt ans de recherches, ain de dresser un recensement
aussi bien quantitatif que qualitatif (en passant de l’un à
l’autre), de manière à bien mettre en exergue les avancées notables acquises depuis mais aussi les lacunes
(parfois profondes) d’une programmation scientiique qui
a parfois manqué d’ambition sur certains projets.
1 – LES DONNÉES STATISTIQUES
Pour bien comprendre les résultats qui seront présentés dans ce bilan et les enjeux d’une future programmation et ses répercussions sur le plan de la gestion des
opérations (mais aussi des hommes), nous présentons
en guise d’introduction plusieurs données statistiques
gravitant autour des fouilles archéologiques, des acteurs de la recherche et de la diffusion des résultats.
Ces chiffres proviennent des travaux du Projet collectif
de recherche sur l’âge du Bronze, corrélés pour partie
aux données de la Carte archéologique et à un retour
aux rapports de diagnostics ou de fouilles.
1.1 - Les opérations
Avant de présenter les résultats igurés dans les graphiques ci-dessous, il est nécessaire de déinir brièvement
ce que les auteurs du bilan entendent par opérations de
fouilles ou diagnostics, ….
opérations
Le nombre de fouilles est comptabilisé sur un ratio /
période : c’est-à-dire qu’un même lieu, s’il regroupe plusieurs périodes, apparaît plusieurs fois dans les tableaux ;
le cas de la fouille « Object’Ifs sud » est à ce titre emblématique puisque la chronologie de ce site couvre une
partie de l’âge du Bronze inal et tout l’âge du Fer. Dans
bien des cas, des opérations (fouilles programmées ou
préventives) qui ne sont pas clairement identiiées comme relevant de l’âge du Bronze peuvent donc apparaître
dans ces graphiques si des informations intéressant la
protohistoire ancienne ont été recueillies ; pour mémoire
on citera les fouilles de Trainecourt à Grentheville (Calvados) qui ont livré plusieurs enclos circulaires ou celles
de Condé-sur-Ifs (Calvados) qui ont permis l’étude d’un
ensemble daté du Bronze moyen/inal.
Les diagnostics qui apparaissent dans les graphiques
sont uniquement des opérations dont les résultats couvrent l’âge du Bronze mais qui n’ont pas fait l’objet d’une
fouille par la suite ; il peut s’agir de dossiers qui n’ont
pas fait l’objet de prescriptions ou plus rarement de dossiers en attente de fouilles.
À la lecture des graphiques, si l’on examine le nombre
d’opérations (tous types confondus) à l’année (ig. 2), il
apparaît clairement que les vestiges datés de l’âge du
Bronze sont rarement mis au jour, une moyenne de 4,4
opérations étant comptabilisée par année depuis vingt
ans. Toutefois un certain nombre de pics d’activité sont
observables depuis ces quinze dernières années. Ces
derniers correspondent au développement d’opérations
sur de grandes surfaces dont le caractère extensif favorise la découverte de structures plus dificiles à repérer lors d’un diagnostic classique (habitats ouverts,
par exemple). Depuis 1984, on dénombre ainsi quatre
pics : pic n°1 ZAC de Mondeville et Grentheville (enclos
domestiques du BM, enclos funéraires), pic n°2 déviation de Bayeux et autoroute A84 (enclos domestique,
habitat groupé, enclos funéraires), pic n°3 ZAC d’Ifs et
déviation de Saint-Lô (enclos funéraire), puis pic n°4 développement des diagnostics suite aux nouvelles lois sur
l’archéologie préventive (nombreux habitats ouverts et
funéraires).
Rapporté aux types de vestiges mis au jour (habitat /
funéraire, ig. 3), on observe de fortes différences entre
les résultats obtenus avant 1994 et ceux obtenus depuis cette date (la date charnière de 1995 correspond
au niveau régional au développement de l’archéologie
de sauvetage et à la professionnalisation des salariés
de l’Afan). Cette différence tient en fait à l’exploration
récente des sites d’habitats qui jusqu’en 1996 n’étaient
pas connus dans la région (si ce n’est un site campaniforme fouillé en 1984).
10
9
16
8
14
7
12
6
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19
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1
0
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2
2
19
86
3
4
Fig.
– nombre
d’opérations/an
Fig. 22- Nombre
d’opérations/an
(C. Marcigny, INRAP).
funéraire
4
6
19
84
habitat
5
opérations
8
Fig. 3 – Nombre de fouilles/an (habitat et funéraire) (C. Marcigny, INRAP).
95
9
8
7
6
fouille prog
5
4
diagnostic
fouille prog
fouille prév
diagnostic
3
fouille prév
2
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04
20
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00
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98
19
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19
94
19
92
19
90
19
88
19
86
19
84
0
Fig. 44
et et
5 –5
Part
différents
d’opérations
: fouilles
programmées, diagnostics,
préventives (C. Marcigny,
INRAP). fouilles préventives.
Fig.
– des
Part
des types
différents
types
d’opérations
: fouillesfouilles
programmées,
diagnostics,
Au-delà de ces résultats bruts qui n’ont pour vocation
que de quantiier le faible nombre d’opérations consacrées à l’âge du Bronze, il est apparu plus intéressant
de travailler au niveau statistique sur la corrélation entre le nombre de diagnostics (sans fouille), le nombre de
fouilles préventives et plus accessoirement le nombre
de fouilles programmées (ig. 4 et 5). Ces données témoignent plus, en effet, de l’évolution de la « programmation de la recherche » depuis ces dernières années
et mettent ainsi mieux en perspective les éventuels biais
à corriger au niveau de la chaîne opératoire détection /
instruction / fouille.
De 1984 à 2000, le rapport entre les différents types
d’opérations archéologiques était relativement stable.
Le nombre de fouilles était faible (avec 1,5 fouille/an),
mais il suivait les courbes générales présentées plus
haut avec les pics correspondant aux « grosses » opérations régionales. La courbe des diagnostics non prescrits présentait peu ou prou les mêmes variations et
restait toujours inférieure au nombre de fouilles.
Depuis 2000, ce rapport a été profondément modiié.
Le nombre de fouilles a chuté alors que la courbe des
diagnostics a plus que doublé son amplitude (la petite
reprise des fouilles en 2004 est liée aux travaux de
la RD 562, fouilles préventives menées par le service
d’archéologie du Conseil général du Calvados). Bien entendu, quelques-unes de ces opérations de sondages
vont faire l’objet d’une fouille après 2004 (Falaise et
Bayeux en 2008, Loucé en 2009) (ig.6) mais la grande
majorité de ces sites ne donne pas lieu à fouille après
découverte. Ces derniers peuvent être divisés en deux
groupes se rapportant à deux travers actuels.
Le premier de ces groupes correspond à un nombre
croissant de déclarations de découvertes de l’âge du
Bronze lors de diagnostics (à Maltôt, Hubert-Folie, SaintMartin-de-Mieux, pour ne citer que quelques sites). Ces
nombreuses déclarations ne reposent bien souvent que
sur quelques vestiges épars (quelques fosses, quelques
tessons, …) qui en l’absence de petits décapages durant le diagnostic ou d’une véritable phase d’évaluation
(qui n’existe plus réellement depuis les nouvelles lois sur
l’archéologie préventive) ne peuvent être ni caractérisés
ni donc faire l’objet d’une prescription de fouille.
Le deuxième groupe correspond à des sites qui ont
fait l’objet d’une étude complète lors de la phase de
sondage de manière à lever l’hypothèque archéologique. Il s’agit principalement d’enclos circulaires (qui ne
sont pas entièrement fouillés : Bénouville, Bernièressur-Mer, Saint-Lô, Neuville-près-Sées, Macé, …) et plus
rarement de sites d’habitat (Saint-Lô, Saint-Germain-deClairefeuille, …). Deux cas de igure existent alors. Soit
la fouille est décidée car le site peut être entièrement
étudié à ce stade ; il s’agit principalement des ensembles funéraires, mais l’environnement direct de ces sites échappe à l’analyse archéologique (ne cachons pas
le fait que parfois cet environnement se trouve hors
site d’aménagement). Soit il s’agit de choix opérés par
le responsable de l’opération, en concertation ou non
avec les agents du SRA ; cette option prise dans l’urgence (sans le temps de rélexion entre diagnostic et
prescription) ne relète donc pas forcément l’intérêt du
site. Dans ce deuxième cas, l’information archéologique
acquise lors de ce diagnostic/fouille est généralement
étudiée partiellement dans le cadre du rapport inal par
manque de temps (en j/h) puisque l’enveloppe des diagnostics est restreinte.
Il n’est pas question de critiquer ici la chaîne opératoire
des responsabilités ni d’apporter une réponse à ces travers, mais nous tenons à signaler que l’absence d’une
phase d’évaluation des sites au sens strict du terme
(sous la forme de fenêtres de décapage) entre le diagnostic et la fouille provoque indéfectiblement un abandon, lors de l’instruction des dossiers, des sites non
enclos (la plupart des gisements de la protohistoire ancienne). Il importerait alors de sortir, au niveau législatif,
cette phase d’évaluation du diagnostic, l’opérateur ne
fournissant que rarement les moyens d’effectuer une
véritable évaluation aux responsables d’opération (l’enveloppe diagnostic étant limitée).
Fig. 6 - Décapage mécanique et fouille du fossé de l’enclos du Bronze moyen /
Bronze inal de Loucé (Orne) (cliché C. Marcigny, INRAP)
96
Ce rapide survol des sources documentaires met bien
en évidence le profond déséquilibre entre les matériaux
provenant du milieu funéraire (rares et peu documentés par manque de fouilles) et ceux issus de contextes
domestiques (abondants et bien ou assez bien docu-
mentés). Notre connaissance de l’âge du Bronze basnormand repose donc principalement sur les objets
métalliques et sur des ensembles peu abondants mais
diversiiés, recueillis sur une dizaine de sites d’habitats
(répartis dans le nord du Calvados et dans le département de la Manche). Ces derniers sont caractérisés
par des occupations extensives non stratiiées (absence
de niveaux de sol ou de circulation). Ces faiblesses stratigraphiques sont accentuées par l’absence d’ensemble clos au sens strict du terme puisque les matériaux
proviennent de structures, généralement des fossés,
qui ont fonctionné ouverts durant un laps de temps inconnu (qui ne peuvent donc être comparés aux séquences stratigraphiques de référence « type grotte » ; bien
qu’une expérience ait été menée à Omonville-la-Petite
« La Jupinerie », après 2004, pour résorber en partie
ce problème ; Marcigny et Juhel, 2004). Les habitats
ouverts restent rares par manque de fouille sur les sites
dits « peu caractérisés » lors des diagnostics (quelques
trous de poteaux, quelques vestiges).
1.2 - Les acteurs de la recherche
Il est dificile de vouloir quantiier avec une grande exactitude les acteurs de la recherche régionale. On peut
distinguer en fait trois groupes qui interviennent à des
niveaux variables suivant les opérations :
Le premier groupe, le noyau dur, était constitué à l’origine de G. Verron et A. Verney. Ces deux chercheurs,
en place depuis presque quarante ans pour le premier
et un peu moins pour le second, ont essentiellement
développé le recensement et l’étude des objets métalliques. Les travaux de G. Verron, en particulier, ont ixé
le cadre chronologique et culturel basé sur le mobilier
en bronze. Ces pistes de recherches sont encore à
l’ordre du jour et A. Verney avait entrepris, depuis une
dizaine d’années, une relecture des acquis, dans le cadre de sa thèse aujourd’hui abandonnée, de manière
à tenter une approche économique et sociale de l’âge
du Bronze à travers l’étude de la production d’objets
métalliques. Cette équipe a été rejointe au début des
années quatre-vingt-dix par C. Marcigny dans le cadre
de l’étude d’objets en bronze découverts en prospection
(en 1990, prospection électromagnétique à Thaon, par
exemple) puis des premiers sites d’habitats découverts
à la faveur des décapages extensifs sur les communes
de Mondeville et Grentheville (en 1991-92). Ce dernier
a alors commencé à développer l’analyse des sites d’habitats (maîtrise, DEA puis thèse en cours, sous la dir. de
J. Guilaine) et d’une manière générale a tenté, avec E.
Ghesquière à partir de 1996 pour les études lithiques,
une lecture de l’organisation de l’espace rural durant
l’âge du Bronze.
Le deuxième groupe associe les archéologues régionaux
(institutionnels ou bénévoles) qui se sont impliqués aussi bien dans le cadre du PCR que lors des travaux de
fouilles. Il s’agit bien souvent de spécialistes qui prennent
ou ont pris en charge un volet de la recherche sur l’âge
du Bronze : S. Clément-Sauleau pour l’étude technologique des céramiques, E. Gallouin pour les aspects graphiques et l’inventaire des milieux funéraires, D. Giazzon
pour l’analyse des sites, L. Juhel pour les études lithiques,
L. Lespez pour les recherches paléoenvironnementales,
H. Lepaumier pour la céramique du premier âge du Fer,
J.-Y. Noël pour le recensement des contextes campaniformes (dans le cadre d’un diplôme de l’EHESS) et enin
X. Savary pour les analyses pétrographiques. À cette
longue liste on peut rajouter les nombreux intervenants
extérieurs à la région (archéozoologues, anthracologues,
carpologues, palynologues, …).
Le troisième groupe est constitué des nombreux responsables d’opérations qui interviennent ponctuellement
sur des vestiges de l’âge du Bronze. Il peut s’agir d’archéologues ayant un véritable intérêt pour la période
comme A. Chancerel, F. Convertini, J. Desloges, I. Jahier, P. Giraud, G. San Juan ou plus souvent de responsables d’opération couvrant d’autres champs chronologiques, généralement le second âge du Fer pour la
plus grande part des responsables régionaux. Il s’agit
de C.-C. Besnard-Vauterin, D. Corde, F. Delahaye, J.-L.
Dron, D. Flotté, C. Germain-Vallée, M.-N. Gondouin, A.
Hérard, A. Huet, E. Le Goff, G. Leclerc, D. Leroy, C.
Peuchet, V. Renault et G. Vilgrain.
Nous avons tenté de traduire en chiffres (ig. 7) l’activité
de ces acteurs de la recherche, année après année
(sachant que la plupart de ces chercheurs, ceux du 1er
et du 2e groupe, consacrent 20% de leur temps à la
recherche, dans le meilleur des cas).
Travaux du PCR
Développement de l'archéologie préventive
Fig. 7 – Nombre de chercheurs investis dans la recherche régionale (C. Marcigny, INRAP).
97
De 1984 à 1988, il y a peu d’intervenants au niveau
local ; les activités de terrain sont réduites et la plupart
des travaux sont menés sous la direction de G. Verron
(à l’exception des fouilles du Hague-Dike sous la responsabilité de A. Huet).
Les années 1989/1990 sont marquées par l’arrivée
de nouveaux chercheurs (responsables d’opérations
préventives sur les ZAC de Mondeville/Grentheville) et
le début du travail de thèse de A. Verney.
À partir de 1991, avec le développement de l’archéologie préventive, l’équipe œuvrant sur l’âge du Bronze a
tendance à s’accroître sensiblement. Ce constat ne doit
cependant pas abuser le lecteur. Il s’agit bien souvent
d’intervenants de terrain différents et il n’existe jusqu’en
1996 aucune dynamique scientiique sur ces périodes
permettant de mettre en perspective les données acquises lors des premières fouilles de sauvetage et les
travaux parfois novateurs de G. Verron et A. Verney sur
les mobiliers métalliques.
En 1996, dans le cadre des travaux réalisés sur l’île de
Tatihou, puis sous l’impulsion du SRA en 1998, la recherche sur l’âge du Bronze commence à se structurer
et une équipe d’archéologues commence à se constituer autour d’E. Ghesquière et C. Marcigny. Ce pôle de
recherche créé en 1997 et 1998 durant la fouille programmée de Tatihou, commence à réaliser l’étude monographique des sites découverts au début des années
quatre-vingt-dix à Mondeville et débute un recensement
des sites domestiques de l’âge du Bronze.
En 1999, la création du PCR permet de former une véritable équipe de recherche (coordonnée par C. Marcigny
et A. Verney). Pendant les trois années d’exercice de ce
programme de 2000 à 2003, cette équipe est restée
stable et les résultats acquis sur ces quelques années
sont particulièrement novateurs : analyse de systèmes
parcellaires, études d’habitats sur de grandes surfaces,
nouvelles problématiques sur le milieu funéraire, analyse de la culture matérielle (approche comparative à
l’échelle européenne, datations, développement des recherches paléoenvironnementales, …). Ces travaux ont
dans bien des cas fait l’objet de publications accueillies
avec intérêt par la communauté scientiique.
Aujourd’hui, avec l’arrêt des travaux du PCR et la baisse
notable du nombre des fouilles de sauvetage, l’équipe
mise en place s’est disloquée et le nombre de chercheurs travaillant en 2004 a rejoint les chiffres du début des années quatre-vingt-dix. Ce tassement devrait
encore se poursuivre en 2005 puisque sur la colonne
de 2004 sont comptabilisés les archéologues du Conseil
Général du Calvados travaillant ponctuellement dans ce
domaine à l’occasion de deux chantiers de la RD 562
(cette courbe entre 2004 et 2009 s’est encore sensiblement inléchie).
Au-delà de ces problèmes de pérennité de l’équipe locale, deux points sont aussi à souligner en ce qui concerne
les acteurs de la recherche.
Le premier, et peut-être le plus frappant, concerne la
pyramide des âges. La plupart des chercheurs régionaux appartiennent à deux tranches d’âge, la première
prend en compte les 50/55 ans et la seconde, la plus
importante en nombre, les 34/37 ans. Les jeunes
chercheurs restent peu nombreux avec seulement trois
personnes entre 25/28 ans (aujourd’hui partis vers
d’autres régions en l’absence d’ouverture de postes en
Basse-Normandie).
Au niveau institutionnel les mêmes problèmes se posent
puisqu’il existe de fortes disparités entre les agents de
98
l’Inrap qui forment le gros de l’effectif (dont deux sont
rattachés à une UMR : l’UMR 6566), suivi des agents
du MCC (tous rattachés à l’UMR 6566) et de ceux
des collectivités (aucun n’est rattaché à une UMR). Il
faut aussi noter que les jeunes chercheurs régionaux
sont pour la plupart en situation précaire et alternent
contrats Inrap avec contrats de collectivités au gré des
chantiers.
Enin, pour en inir avec cette partie du bilan, il faut noter la quasi-absence de formations diplômantes pour les
acteurs de la recherche régionale : une thèse en cours
par C. Marcigny, un mémoire de l’EHESS par J.-Y. Noël,
un master sur le Bronze inal du Mont Joly par B. Van
Den Bosshe, et un master sur une tentative de lecture
de la répartition des cercles par A. Chevalier. Il faut espérer que les jeunes étudiants actuellement en cours de
formation puissent rejoindre à terme les équipes locales
pour rajeunir les effectifs et apporter un nouveau soufle
à la recherche régionale.
1.3 - La diffusion
La diffusion de la recherche est depuis quelques années
une des priorités de l’équipe en place. Les publications
disponibles pour l’âge du Bronze suivent donc grosso
modo l’actualité de la recherche de terrain et se calquent sur la courbe des opérations de fouille (peu ou
prou la courbe des bilans de la ig. 8). Le retard dans ce
domaine est donc assez faible et relète assez bien le dynamisme de l’équipe régionale. La publication en 2005
d’un ouvrage collectif sur l’âge du Bronze en Normandie
dans le cadre de l’exposition « La Normandie à l’aube
de l’histoire, les découvertes archéologiques de l’âge du
Bronze » est à ce titre emblématique.
On peut toutefois à la première lecture de ce graphique
regretter la faiblesse des articles de synthèse, mais ces
derniers, réalisés dans le cadre du PCR, vont faire l’objet de parutions pendant l’année 2005 (cf. biblio en in
de texte) : synthèse sur le mobilier céramique et la périodisation de l’âge du Bronze (Marcigny et al., 2005),
synthèse sur l’architecture des habitats (Lepaumier et
al., 2005), synthèse sur l’occupation du territoire autour
de Caen (Chancerel, Ghesquière et Marcigny, 2005),
synthèse sur l’organisation rurale (Marcigny, Lespez
et Ghesquière, 2006) et synthèse sur le paléoenvironnement (Clet-Pellerin et Verron, 2004 ; Lespez et al.,
2005).
Dans cette politique de diffusion mise en place par les
chercheurs travaillant sur l’âge du Bronze, le retour
de l’information archéologique vers le public n’est pas
resté en sommeil puisque plusieurs manifestations ont
été organisées depuis 1997 : exposition temporaire
sur l’île de Tatihou « L’âge du Bronze sur l’île Tatihou »
(1997) ; Séminaire Archéologique de l’Ouest sur « le
Bronze Atlantique » (19 novembre 1997) ; exposition
sur « l’âge du Bronze dans la Manche » à Cerisy-la-Salle
(26/10 au 30/11/2000) accompagnée d’un cycle de
conférences à l’attention du milieu scolaire ; exposition temporaire aux Archives départementales de la
Manche « 5000 ans d’histoire aux portes de Saint-Lô,
Archéologie préventive et aménagement du territoire »
(2000) ; Journée de travail autour de la in de l’âge du
Bronze (Bf IIIb/HaC) en Basse-Normandie, Bretagne
et Pays-de-la-Loire à Bourguébus (3 juin 2004) ; et
pour 2005-2006 exposition temporaire au Musée des
Antiquités à Rouen en 2005 puis sur l’île de Tatihou en
2006 « La Normandie à l’aube de l’histoire, les découvertes archéologiques de l’âge du Bronze » accompagnée d’une journée thématique de l’UMR 6566 en mai
2006.
18
16
14
12
bilan
10
article
8
synthèse
6
4
2
20
04
20
02
20
00
19
98
19
96
19
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19
92
19
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19
88
19
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19
84
0
Fig. 7 Fig.
– Part
desdesdifférents
supports
(= BSR
info.ouGallia),
article (=note
ou (=article
articlede
8 – Part
différents supports
pour la pour
diffusionla: diffusion
bilan (= BSR:etbilan
info. Gallia),
articleet(=note
article monographique),
synthèse
synthèse) (C. Marcigny, INRAP)
1.4 - Conclusions
Au niveau des opérations (essentiellement préventives
puisque le programmé est peu concerné par cette période), il a été mis en évidence le développement sans
précédent du nombre de diagnostics archéologiques
et la baisse notable des fouilles (ce basculement s’est
opéré autour de 2001 avec le changement de la loi). Ce
constat est lié à deux tendances lourdes de conséquences sur le plan scientiique. La première et peut-être la
moins fâcheuse est la réalisation de fouilles lors du diagnostic (bien que dans ce cas la post-fouille soit toujours
limitée par rapport à l’importance des découvertes).
La seconde est due à une sur-représentation des déclarations de découvertes lors de la phase diagnostic.Il
est ainsi fait fréquemment mention de vestiges de l’âge
du Bronze, rarement étayés par des preuves réelles.
Les archéologues chargés des diagnostics doivent bien
comprendre le rôle capital qu’ils ont à jouer à ce niveau
opérationnel. Une meilleure caractérisation des occupations est primordiale pour mieux saisir l’importance des
sites. Le diagnostic n’est pas seulement une phase de
détection préalable à une fouille. Il s’agit d’une véritable
opération archéologique, au sens strict du terme. Les
résultats acquis participent à la lecture de l’occupation
spatiale sur la longue durée des territoires. La réhabilitation d’une vraie phase d’évaluation, à considérer en
dehors du diagnostic, serait salutaire.
Le deuxième aspect de ce premier chapitre concerne
les acteurs de la recherche. Si comme nous l’avons
souligné plus haut, il est dificile de vraiment identiier
tous les acteurs de la recherche sur l’âge du Bronze
(les responsables d’opération intervenant souvent sur
cette période pour une opération sont généralement
spécialistes d’autres périodes), trois points noirs semblent importants à souligner. Le premier est le problème
de la pyramide des âges et du vieillissement de l’équipe
en place sans véritable relève. Le second est l’absence
de formations diplômantes au niveau local sur la protohistoire ; l’Université de Caen devrait plus prendre en
compte la protohistoire française condition sine qua
non pour comprendre le fait historique dans toute sa
dimension. Le dernier point concerne le grand déicit
des intervenants de collectivités (à l’exception notable
de P. Giraud et plus récemment C. Germain-Vallée). Le
nombre d’archéologues de collectivité étant en effet très
réduit, une très grande partie des fouilles est réalisée
par l’Inrap. Le département de la Manche qui livre près
de 85 % des sites de l’âge du Bronze bas-normand devrait, par exemple, prendre plus en considération cette
période dans la gestion du patrimoine départemental.
Enin, au niveau de la diffusion, un effort certain a été
mené ces dernières années. Une bonne partie des gisements régionaux a été publiée, la plupart grâce à la
mise en place du PCR qui permettait de compléter la
partie « analyse » de l’étude des sites et qui permettait
une plus grande mutualisation des compétences. La clôture de ce programme de recherche se fait cruellement
sentir avec une baisse notable des monographies de
site.
2 – PRÉCISIONS CHRONOLOGIQUES ET CULTURELLES
Les travaux engagés dans le cadre du projet collectif de
recherche initié sur l’âge du Bronze en Basse-Normandie ont permis d’achever en 2002 un vaste programme de datations isotopiques (14C) lancé sur les sites
fouillés anciennement. Il est donc possible aujourd’hui de
faire le point sur les problèmes d’ordres chronologique
et typo-chronologique rencontrés lors de l’élaboration du
cadre chronologique régional et de proposer un premier
canevas chronoculturel :
- déinition du cadre chronologique utilisé aujourd’hui en
Europe de l’Ouest ;
- tentative de corrélation entre le cadre chronologique et
la chrono-typologie du mobilier métallique ;
- en bref, déinition d’un cadre chronologique utilisable
en Basse-Normandie pour l’ensemble de la culture matérielle.
2.1 - Le cadre chronologique des régions atlantiques
Le cadre chronologique des régions atlantiques a été
longtemps essentiellement appréhendé à travers les différentes productions métallurgiques. En effet, jusqu’en
99
1990 (avec les premières fouilles de sauvetage), le
mobilier céramique était à peu près inconnu dans le
nord-ouest de la France (et même totalement inconnu
en Basse-Normandie jusqu’aux années 1980), exception faite du domaine armoricain qui avait déjà livré de
nombreux récipients lors de la fouille de tumulus appartenant à la Civilisation des Tumulus armoricains (âge du
Bronze ancien ; Briard, 1984).
À la in des années 1970, de nombreux travaux de synthèse apportent un éclairage nouveau sur la période et
permettent une lecture globale des ensembles mobiliers
des régions du Nord-Ouest de la France : Pays de la
Loire, Bretagne, Basse et Haute-Normandie, Picardie,
Nord-Pas-de-Calais, Centre et Ile-de-France (travaux de
J.-P. Mohen, G. Gaucher, J.-C. Blanchet, G. Verron et
J. Briard pour ne citer que les plus connus). On doit en
particulier à J.-C. Blanchet la déinition d’une production céramique originale caractérisée par l’emploi décoratif de la cordelette et l’utilisation d’anses en arceau
(ou cordons arciformes) regroupée sous le terme de
« Culture des Urnes à décor plastique » et « groupe
d’Éramecourt » (Blanchet, 1984). Ces groupes culturels
datés de la in du IIIe millénaire et du Bronze ancien (voire le début du Bronze moyen) ont par ailleurs été redéinis récemment (Billard, Blanchet et Talon, 1996). Dès
cette époque, les parallèles avec les groupes contemporains britanniques (Wessex) ou belges et néerlandais
(Hilversum et Drakenstein) sont mis en évidence. À l’occasion du Colloque de Lille sur « Les relations entre le
continent et les Îles britanniques à l’âge du Bronze », P.
Brun et C. Pommepuy rassemblent l’ensemble de ces
groupes sous l’appellation « entité culturelle nord-occidentale » en mettant en lumière le caractère continu
de ces relations pendant tout l’âge du Bronze (Brun et
Pommepuy, 1984). Pour la in de la période, les travaux
de synthèses sont beaucoup plus rares et seul l’ouvrage
de P. Brun sur « la Civilisation des Champs d’Urnes »
(Brun, 1986) et les efforts de périodisation de l’âge du
Bronze inal et du premier âge du Fer du Nord de la
France de J.-C. Blanchet et M. Talon (Blanchet, 1984
et Talon, 1987) permettent d’avoir une vision globale et
typo-chronologique du matériel.
Malgré cette importante documentation recueillie en un
peu plus d’une vingtaine d’années, la production métallurgique reste la mieux connue et datée et, bien souvent, la synchronisation entre les objets métalliques et
la céramique pose de nombreux problèmes.
2.2 - Le cadre chronologique national
Nous ne reviendrons pas ici en détail sur l’historique de
l’édiication des systèmes chronologiques. On peut juste
rappeler brièvement et pour mémoire les principaux
auteurs de ces systèmes : É. Chantre (1875), A. et G.
de Mortillet (1881, 1903), O. Montélius (1898, 1903),
J. Déchelette (1908), P. Reinecke (1902, 1924, 1930
et 1933), W. Kimming (1951, 1954), N.K. Sandars
(1957) et inalement J.J. Hatt (1954 et 1962) qui ixe
le cadre chronologique généralement admis par la communauté scientiique française jusqu’au début des années 1990.
Ce tableau chronologique que l’on peut qualiier de
chronologie conventionnelle se décompose ainsi :
Bronze ancien (-1 800 à -1 500) découpé en trois
phases (I -1 800/-1 700, II -1 700/-1 600, III -1 600
/-1 500) ; Bronze moyen (-1 500 à -1 200) découpé
en trois phases (I -1 500/-1 400, II -1 400/-1 300,
III -1 300/-1 250) ; Bronze inal (-1 250 à -725) découpé en trois phases (I -1 250/-1 150, IIa -1 150/
-1 050, IIb -1 050/-950, IIIa -950/-850, IIIb -850/
-725) ; Hallstatt ancien (-725 à -625).
100
Ce cadre chronologique a été modiié en profondeur
suite aux travaux récents de J.-L. Voruz sur la confrontation des données de chronologie absolue de France et
des pays limitrophes dans le but d’obtenir un système
chrono-typologique synchronisant tant bien que mal les
principaux systèmes typologiques pour l’Est et le Sud de
la France, la Suisse et l’Allemagne du Sud (compilation
critique des datations radiocarbones calibrées et comparées aux datations dendrochronologiques ; Voruz,
1996). Les dates proposées ci-dessous font aujourd’hui
la quasi-unanimité des chercheurs travaillant en particulier sur le domaine continental : âge du Bronze ancien
(2 300 -1 600 av. J.C.), âge du Bronze moyen (1 600
-1 350 av. J.C.). âge du Bronze inal (-1 350 -800 av.
J.C.). Cependant, une partie des chercheurs travaillant
sur l’âge du Bronze atlantique se réfère encore systématiquement à la chronologie conventionnelle de J.-J.
Hatt ; il est donc nécessaire de bien maîtriser les deux
cadres chronologiques.
2.3 - Quel cadre chronologique pour les sites de Basse-Normandie ?
Depuis le début des années 1990 et les premiers travaux d’ampleur sur les sites d’habitats bas-normands de
l’âge du Bronze ancien et moyen, les parallèles avec le
sud de l’Angleterre ont été mis en évidence à l’instar des
résultats obtenus pour l’âge du Bronze moyen dans le
Nord de la France (Desfossés, 2000), dans la vallée de
l’Aisne (Brun et Pommepuy, 1984) ou dans une moindre mesure, pour l’âge du Bronze ancien en Bretagne
(Briard, 1993).
La découverte plus récente de sites de la in de l’âge du
Bronze et du début de l’âge du Fer a permis d’élargir le
champ des comparaisons et a démontré la persistance
des liens unissant les deux rives de la Manche. Il s’agit
de « l’entité culturelle nord-occidentale » de P. Brun et
C. Pommepuy à laquelle on préférera le terme d’attente
de « complexe techno-culturel littoral Manche-Mer-duNord », (MMN).
Ces liens forts semblent prendre naissance dès la in du
IIIe millénaire pour pleinement se consolider jusqu’à la in
de l’âge du Bronze et le début du premier âge du Fer.
Le cadre chronologique utilisé couramment en France
s’est donc rapidement révélé impropre à l’analyse du
mobilier céramique bas-normand et depuis maintenant
deux ans le tableau chronologique anglais dressé par C.
Burgess au début des années 1980 dans son ouvrage
fondamental The Age of Stonehenge (Burgess, 1980),
puis celui proposé par S. Needham lors du congrès de
Copenhague « Absolute chronology, archaeological Europe 2 500 -500 BC », font ofice de référence (tableau
distinct du cadre chronologique utilisé pour les assemblages métalliques ; Needham, 1996).
Le tableau typo-chronologique de S. Needham se décompose en quatre grandes phases (Metal using Neolithic, EBA, MBA, LBA), subdivisées en sept périodes (la
huitième appartenant au premier âge du Fer, EIA), on
y retrouve quasiment le même découpage que dans la
chronologie conventionnelle de J.J. Hatt avec les deux
coupures importantes déjà proposées dans les années
cinquante, vers -1 500 et -1 200/-1 150 avant notre
ère.
Dans la plupart des cas, les sites de Basse-Normandie
sont placés dans un premier temps dans la chronologie
française puis replacés dans le cadre chronologique anglais (utilisation de la double dénomination ; ig. 9). De
même la plupart des comparaisons typo-chronologiques
renvoient régulièrement aux groupes culturels d’outreManche (Food Vessel Urns, Trevisker group, Deverel-
Système allemand
Système français septentrional
Système anglais
2300
period 1
Bronze A1
Bronze ancien I
period 2
2000
2000
period 3
Bronze A2
1650/
1600
1500
Early
Bronze age
Bronze ancien II
period 4
Bronze B1
Bronze moyen I
Bronze B2
1500
Bronze C1
Bronze C2
Bronze moyen II
1350
period 5
Bronze D
Bronze final I
Hallstatt A1
Bronze final IIa
Hallstatt A2
Bronze final IIb
1250
1150
1020
Hallstatt B1
Bronze final IIIa
Etape
ancienne
du Bronze
final
Etape
moyenne
du Bronze
final
Deverel Rimbury
1150
period 6
950/930
Hallstatt B2/B3
Bronze final IIIb
800
Etape
finale
du Bronze
final
Middle
Bronze age
period 7
Later
Bronze age
Plain Ware
800
Hallstatt ancien
Earliest
Iron Age
Hallstatt moyen
Hallstatt final I
Hallstatt final II
Early
Iron age
Hallstatt C
Decorated
Ware
650/620
560/530
480/460
400
Hallstatt D1
Hallstatt D2
Hallstatt D3
La Tène A
La Tène Ia
La Tène B1
La Tène Ib
La Tène B2
La Tène Ic
La Tène C1
La Tène IIa
La Tène C2
La Tène D1
La Tène IIb
La Tène IIIa
La Tène D2
La Tène IIIb
330/320
250
180
130
90/75
30
Römische zeit
400
La Tène
ancienne
Middle
Iron age
La Tène
moyenne
La Tène
finale
Période gallo-romaine
100
Late
Iron age
43 AD
Romano-british
Ta ble a u chronologique : synchronisat ion de s chronologie s a lle m a nde ,
Fig. 9 – Tableau de correspondance des différentes chronologies utilisées en Basse-Normandie (d’après P. Reinecke, J.-J. Hatt, P. Brun, C. Pare et S Needham,
modiié ; C. Marcigny, INRAP).
101
Rimbury, Post-Deverel-Rimbury, Plain Ware …) qu’il a
été nécessaire dès les premières découvertes en 1990
de paralléliser avec la chronologie et les groupes culturels français (Marcigny 2001a ; Lepaumier et Marcigny, 2003 ; Marcigny et al. 2005).
2.4 - Conclusions
La périodisation des sites bas-normands en est encore
à ses balbutiements même si des avancées notables
ont été faites en quinze ans. Les acquis, s’ils peuvent
paraître au premier abord importants, sont en effet à
relativiser. Le calage chronologique de ces ensembles
pose encore de nombreux problèmes. L’absence d’associations avec des objets métalliques et d’une manière
générale la carence en fossiles directeurs des chronologies usuelles dans les corpus étudiés limite dans bien
des cas la datation des sites à une fourchette large.
Ces dificultés sont encore accentuées par des comparaisons proches, délicates à mener puisqu’il n’existe
pas de région périphérique présentant une séquence
complète.
Un des grands bouleversements de la recherche régionale de ces vingt dernières années a été l’utilisation de
plus en plus régulière de datations isotopiques (14C).
Celles-ci ont été effectuées sur la plupart des sites
connus. L’analyse a donc consisté sur bien des sites à un
récolement de l’information sous la forme d’une juxtaposition d’ensembles confrontés à des comparaisons chrono-typologiques externes et à la chronologie absolue plus
qu’à une analyse sérielle (les datations de ce bilan sont
calibrées à l’aide du logiciel Oxcal). Ce cadre chronologique créé à partir de datations isotopiques pose de nombreux problèmes d’utilisation lors de l’approche ine de la
chronologie régionale et il est dans bien des cas dificile
d’afiner les résultats obtenus par la méthode du radiocarbone toujours sujette à caution lorsqu’il s’agit de date
unique. Des datations plus ines (en années réelles) font
cruellement défaut, il est donc nécessaire aujourd’hui de
lancer une politique d’échantillonnage des troncs fossiles
pour l’élaboration d’une séquence dendrochronologique
de référence au niveau régional. Depuis 2005, des travaux sont désormais en cours sous la direction de V.
Bernard dans le cadre d’un PCR sur les aménagements
littoraux conduit par C. Billard.
Il est donc évident que la construction de la périodisation régionale et son articulation relative et absolue avec
les systèmes chronologiques usuels ne peuvent être,
encore aujourd’hui, comprises dans leur intégralité.
3 – DES HABITATS AUX SYSTÈMES AGROPASTORAUX
Les opérations archéologiques (fouilles préventives et
programmées) réalisées ces quinze dernières années en
Basse-Normandie ont permis l’observation de nombreux
sites protohistoriques à vocation domestique (ig. 10).
Ces sites ont livré de précieux renseignements pour la
connaissance des formes de l’habitat et de l’architecture. Il est ainsi possible aujourd’hui de dégager dans ses
grandes lignes un premier bilan en présence/absence
des différents critères caractérisant le type d’occupation et le type de construction de la in du IIIe millénaire
(début du Bronze ancien) au début de l’âge du Fer.
3.1 - La in du IIIe millénaire
Les sites à vocation domestique datés de la in du IIIe
millénaire sont nombreux en Basse-Normandie. La plupart de ces gisements ont livré des nappes de mobilier
et le bâti est généralement déduit de la répartition des
artefacts, interdisant bien souvent tout commentaire
d’ordre architectural. Les exemples fournis par les sites
de Digulleville (Manche ; Letterlé, Verron 1986) ou de
102
20
18
16
14
12
fouille
10
diagnostic
8
6
4
2
0
IIIe millénaire Bronze ancien Bronze moyen
Bronze final
Fig. 10 - Nombre de sites d’habitat découverts entre 1984 et 2004 par grandes
périodes chronologiques (C. Marcigny, INRAP).
Beslon (inédit F. Convertini) sont à ce titre particulièrement représentatifs.
Plus récemment, plusieurs fouilles sont venues apporter
un éclairage nouveau sur la question. En ce qui concerne le type d’habitat par exemple, le littoral de la Manche
a livré un parcellaire à Bernières-sur-Mer (Calvados ;
Marcigny, Ghesquière 2003a), un enclos à Mondeville
« MIR » (Calvados ; Chancerel et al. 2006) et plusieurs
habitats ouverts (Digulleville, Portbail, Lingreville, Manche). Dans le Calvados, à la même époque, les bâtiments adoptent un plan quadrangulaire sur tranchées
de fondation comme à Fleury-sur-Orne « Parc d’Activité » (Jahier, Billard 2001) ou Saint-Martin-de-Fontenay
(inédit, C.-C. Besnard-Vauterin).
Parmi ces sites, l’habitat fortiié de Basly permet d’introduire les premières constructions de la protohistoire
bas-normande. Depuis 1998, date de son identiication,
l’occupation néolithique de Basly fait l’objet de recherches programmées. Installé en extrémité d’éperon, le
site est limité par une puissante palissade qui ferme le
relief sur près de 2 hectares. L’une des interruptions
reconnues dans la palissade est lanquée à l’arrière de
deux plans trapézoïdaux placés perpendiculairement à
son tracé. Dans l’état actuel de la fouille, ces derniers
sont interprétés comme des bâtiments encadrant l’entrée principale. Seul l’un d’eux a pour l’instant été étudié
dans son intégralité. Délimité par huit fosses profondes
régulièrement espacées, il arbore un plan trapézoïdal
d’un peu plus de 13 mètres de long pour une largeur
de 5 mètres le long de la palissade et 3 mètres sur le
pignon opposé. Les six datations 14C effectuées sur le
système de clôture de l’éperon donnent des dates comprises entre 3 300 et 2 130 avant notre ère.
3.2 - L’âge du Bronze ancien
Les sites de cette époque sont moins bien connus. Les
systèmes parcellaires se généralisent : on en retrouve
sur le littoral de la Manche à Réville (Manche ; inédit)
et Tatihou (Manche ; Marcigny et al. 2000 et Marcigny, Ghesquière 2003b ; ig. 11). Le phénomène des
enceintes perdure à cette époque et l’une d’elles a été
sondée dans le Calvados à Thaon (Chancerel 1993).
3.3 - L’âge du Bronze moyen et l’âge du Bronze inal
Seule la partie occidentale de la Normandie a pour l’instant livré des plans exploitables. En Basse-Normandie,
cette période correspond au développement des enceintes de tradition Deverel-Rimbury (« enclosures », « irregular enclosures » ; ig. 12). À Mondeville (Calvados ;
Chancerel et al. 1999b) deux sites de ce type ont été
mis au jour mais ils n’ont pas livré de structures bâties.
À Tatihou (Manche ; Marcigny et al. 2000 et Marcigny,
Phase 2
île Tatihou
Ferme 1
Ferme 2
0
100 m
Bernières-sur-Mer
Ghesquière 2003b) et Nonant/Vaux-sur-Seulles (Calvados ; Marcigny et al. 2002), par contre, de nombreux
édiices ont été découverts. Plus récemment, le site de
Fontenay-le-Marmion « La Grande pièce » est venu compléter ce petit corpus (Calvados ; Giraud, inédit).
Sur l’île Tatihou, la découverte d’un parcellaire loti daté
de l’âge du Bronze a permis l’analyse de nombreux bâtiments (sur 2,5 hectares lors de la fouille de 1996,
puis sur 17 hectares lors de sondages en 1997 et
1998) (ig. 13). Contrairement à de nombreux sites
protohistoriques, ce gisement n’a pas offert l’image
d’une nébuleuse de trous de poteau. Chacun des plans
de bâtiments est parfaitement lisible et aucun recreusement de structure n’a été mis évidence. L’ensemble
n’est toutefois pas synchrone et résulte de la superposition des occupations protohistoriques de la première à la dernière phase d’occupation (phases 1 à 3
couvrant la in de l’âge du Bronze ancien et le Bronze
moyen). Les bâtiments de Tatihou ont été classés en
quatre groupes. Le premier est constitué d’un plan unique de bâtiment circulaire d’une quarantaine de m².
Le second correspond, lui aussi, à un seul plan de bâtiment quadrangulaire à deux nefs (ou à rangée axiale
de supports) d’un peu moins de 20 m². Le troisième
groupe comprend les bâtiments à plan rectangulaire à
5 poteaux avec un poteau décentré. Le quatrième est
constitué de plans quadrangulaires, qu’ils soient formés
de 6, 5 ou 4 poteaux.
0
100 m
À Nonant et Vaux-sur-Seulles (14), deux enclos reliés par
un fossé ont été mis au jour en 1999 et 2000. L’enceinte de Nonant est la seule à avoir livré des structures :
elle délimite une surface d’environ 6 200 m² et dessine
un plan quadrangulaire irrégulier (ig. 14). Une entrée
est aménagée sur le côté est de l’enceinte par une interruption du tracé du fossé sur une longueur d’environ
Fig. 11 – Planches de synthèse sur les parcellaires (C. Marcigny, INRAP).
103
1115-828 BC
1429-1125 BC
1403-1087 BC
THAON "Eléazar"
MONDEVILLE "ZI sud"
0
30
m
N
NONANT "La Bergerie"
1515-1325 BC
1494-1132 BC
1516-1405 BC
1424-1267 BC
1385-1013 BC
1252- 855 BC
MONDEVILLE "Etoile"
ÎLE TATIHOU "phase 2"
Fig. 12 – Les enclos à vocation domestique du Deverel Rimbury (d’après A. Chancerel, G. San Juan et C. Marcigny, modiié ; C. Marcigny, INRAP).
104
Fig. 13 - Restitutions graphiques de l’environnement de Tatihou à Saint-Vaast-la-Hougue (Manche) au Bronze moyen (≈ 1500 av. J.-C.), en haut, et aujourd'hui,
en bas (aquarelles L. Juhel, INRAP)
105
Fig. 14 - Restitution graphique de la ferme de Nonant (Calvados) au Bronze moyen (Aquarelle L. Juhel, INRAP)
cinq mètres. L’aire interne de l’enceinte est découpée en
deux espaces par un fossé palissadé grossièrement parallèle au tracé nord et est du fossé. Il délimite ainsi une
« avant-cour » munie de deux accès au nord et à l’est,
occupée par un petit bâtiment et un ensemble de structures où se côtoient foyers, silos et trous de poteau, et
une aire principale (la cour) occupée par de nombreuses
structures et trois bâtiments dont un d’une vingtaine de
mètres de longueur. L’ensemble a livré un riche corpus
mobilier daté du début de l’âge du Bronze. Six ensembles
formés de trous de poteau ont été mis en évidence. Chacun des ensembles est associé typologiquement à une
structure bâtie en élévation. Quatre types de bâtiments
ont été distingués suite à la mise en corrélation des principales caractéristiques de chaque ensemble (surface,
plan et nombre de trous de poteau) : plans allongés à
abside et plans quadrangulaires à quatre poteaux.
3.4 - L’âge du Bronze inal II et III
À la in de l’âge du Bronze on assiste en Basse-Normandie à un changement dans la façon de concevoir les
limites de l’habitat. Les sites ne sont plus circonscrits
par des fossés et les grandes enceintes disparaissent à
l’exception de certaines au statut très particulier : comme le ring-fort de Cagny (Calvados ; Desloges 1993) ou
les éperons barrés (Soumont-Saint-Quentin, Calvados ;
Flamanville, Manche ; Merri, Orne ; etc.).
On distingue pour l’instant quatre principaux types de sites d’habitats : les petits établissements agricoles qui
parsèment le territoire, les concentrations de bâtiments
que l’on pourrait qualiier de village, les concentrations
de structures sur un même espace, et les sites de hauteur (ig. 15).
L’habitat de Cussy (Calvados ; Marcigny, Ghesquière
1998a) est un bon représentant de ces petits établis106
sements agricoles. Découvert à l’occasion des travaux
menés en préalable au contournement de Bayeux (Calvados), le site présente une vingtaine de fosses disséminées sur un peu plus de 5 000 m². Deux constructions relativement simples ont pu être rattachées à cette
phase d’occupation. Il s’agit de deux bâtiments de plan
quadrangulaire groupés dans la partie occidentale du décapage et séparés d’une dizaine de mètres. Le premier
est constitué de six et peut-être sept poteaux ; la surface
ainsi délimitée, qui n’est pas obligatoirement la surface
originelle du bâti, est de 7 m². Le second prend appui
sur quatre poteaux (dont un est oblitéré par un fossé
moderne), formant ainsi une aire d’un peu plus de 4 m².
Une fosse située à proximité du premier bâtiment, de
dimensions importantes et dont le creusement a visiblement épargné l’argile à silex, peut avoir eu pour fonction
première la récupération de limon nécessaire à la réalisation du torchis utilisé pour l’élévation des bâtiments.
L’organisation générale du site, avec ses fosses et ses
deux unités bâties, n’est pas sans rappeler de nombreux
habitats de l’âge du Bronze et du début de l’âge du Fer
connus dans tout le nord de la France. Le gisement tel
qu’il est connu dans la surface explorée présente en fait
de nombreuses afinités avec ces habitats où les composantes de ce que l’on pourrait dénommer une petite
unité agricole ont été mises en évidence : bâtiment d’habitation, greniers, fours, silos, fosses. Cussy s’inscrit tout
à fait dans ce type d’habitat si ce n’est l’absence du bâtiment principal qui est peut-être situé hors emprise ou qui
n’a pas laissé de trace au sol (construction sur sablières
basses, par exemple). L’abondant mobilier céramique recueilli dans les silos permet une attribution au Bronze
inal dans sa phase moyenne qui, à l’instar de la plupart
des assemblages contemporains de la région, est fortement empreint d’inluences post Deverel-Rimbury (Plain
Ware britannique).
N
0
100
m
CAHAGNES
"Benneville"
CAHAGNES
"Benneville"
N
N
0
100
m
CAGNY
"Ring
CAGNY
"Ring
Fort"Fort"
10 m
10 m
N
N
0
0
CAGNY "Ae8"
10 m
0
CUSSY
Pointe"
CUSSY
"La "La
Pointe"
Fig. 15 – Les principaux sites de la in de l’âge du Bronze (d’après I. Jahier, J. Desloges, G. San Juan et C. Marcigny ; modiié, C. Marcigny, INRAP).
107
Le gisement de Cahagnes, étudié dans le cadre des opérations liées à la construction de l’autoroute A.84 (CaenRennes) est le seul « village » pour l’instant identiié en
Basse-Normandie. Il se développe probablement sur 4 ha.
Sur les 2 ha fouillés (Calvados ; Jahier 1997), il s’apparente à un « hameau » ouvert et ne semble en tout cas
pas délimité par un fossé ni par un système de palissade.
Près de deux mille trous de poteau inscrits dans le schiste
à 50 cm sous le niveau actuel ont permis de restituer 115
ensembles cohérents susceptibles de correspondre à des
bâtiments. L’étude de la centaine de tessons et deux dates 14C (Gif-10726 : 3070 ± 90 BP ; Gif-10727 : 2470
± 80 BP) convergent pour attribuer l’occupation à la in
du Bronze inal ou au début du premier âge du Fer, sans
qu’il soit toutefois possible ni d’en afiner la datation d’en
déterminer la durée. Parmi les ensembles reconnus, une
vingtaine dessine un plan circulaire. Délimités par une unique couronne de neuf à treize poteaux, ils présentent un
diamètre compris entre 6 et 8 m. Deux ou quatre creusements légèrement plus importants, systématiquement
excentrés au sud-est, matérialisent l’entrée (ig. 16). Ce
système implique l’emplacement de la paroi externe à environ 2 m du cercle de poteaux. Les bâtiments circulaires
de Cahagnes sont ainsi estimés à près de 10 m de diamètre. La symétrie axiale des poteaux périphériques, qui
s’ajoute à une symétrie radiale, suggère par ailleurs la
présence d’entraits ou de sommiers, ces derniers offrant
l’opportunité d’installer un plancher. Par ailleurs, les quelques soixante-dix plans quadrangulaires se regroupent en
paquets autour des bâtiments circulaires. Il s’agit de plans
à 4 ou 6 poteaux dont l’aire interne est limitée entre 2,5
et 13 m², avec une très forte proportion autour de 5 m².
Cette répartition singulière, où les petits édiices quadrangulaires paraissent systématiquement liés à la présence
des grands bâtiments circulaires, suggère la cohabitation
des deux formes architecturales. Il est dans ce cas permis d’envisager des fonctions distinctes où l’habitation occupe une place centrale et les annexes (granges, greniers
…) une position périphérique. Enin, l’un des ensembles
déinis sur ce site mérite une attention particulière. Placé
au centre de l’occupation, il présente un plan annulaire
d’une quinzaine de mètres de diamètre délimité par une
unique couronne d’une vingtaine de trous de poteau jumelés. Les creusements, ancrés d’une vingtaine de centimètres dans le substrat schisteux (soit d’environ 0,70 m par
rapport au niveau actuel du sol), adoptent des proils en
U qui signent l’emplacement de boisages verticaux. À l’intérieur, des creusements moins profonds délimitent peutêtre deux couloirs perpendiculaires, orientés nord-est/
sud-ouest pour le plus large et nord-ouest/sud-est pour le
plus étroit, légèrement décentré au nord-est. En raison du
diamètre important, il est dificile de voir dans cet ensemble le plan d’un bâtiment entièrement couvert. De par sa
situation et son caractère unique, il est probable que cet
« enclos » devait détenir un statut particulier sur le site, à
usage collectif, cultuel …
Les décapages extensifs réalisés entre plusieurs enclos
du second âge du Fer sur la ZAC Object’Ifs sud à Ifs
(Calvados; Jahier 2000 et Le Goff 2000) ont mis au
jour un semis de fosses silos datées par le mobilier
qu’elles ont livré dans une fourchette chronologique
couvrant le Bronze inal dans sa phase moyenne et le
premier âge du Fer. Il semble que c'est à cette phase
d’occupation que peuvent être rattachés toute une série de bâtiments quadrangulaires à quatre et six trous
de poteau ainsi qu’un bâtiment circulaire. Les premiers
présentent une faible surface interne qui ne dépasse
pas 10 m². Habituellement dénommés greniers, rien
ne permet ici d’en déterminer l’usage. Le bâtiment circulaire quant à lui présente un plan qui rappelle en tout
point ceux reconnus à Cahagnes. Les poteaux sont ré108
Fig. 16 – Entrée d’un bâtiment circulaire du site de Cahagnes (Calvados) (cliché
I. Jahier, INRAP)
partis de manière symétrique par rapport à l’axe de
l’entrée matérialisée par un porche extérieur délimité
ici par quatre poteaux. En raison des nombreuses occupations qui se sont succédé sur le site, il est dificile de
dater précisément cet ensemble. Toutefois, d’après le
mobilier rencontré dans les fosses les plus proches, il
est possible que celui-ci ait fonctionné à la in du Bronze
inal.
Dernière composante de l’espace rural de l’âge du
Bronze inal, les sites de hauteur (au même titre que
les rings forts) ont un statut particulier ; il s’agit d’ouvrages retranchés, protégés derrière un système fossés/
talus parfois imposant. Seul le site de Basly (Calvados ;
Lepaumier et San Juan, 2005) a fait l’objet d’une fouille
programmée avant 2004. Depuis cette date, un programme de recherche, sous la forme d’un PCR dirigé par F. Delrieu et P. Giraud, a été consacré à cette
thématique sous un angle diachronique. Les résultats
concernant l’âge du Bronze, et plus particulièrement
la in de la période, sont récurrents et indiquent une
fréquentation des sites de hauteur à la transition avec
l’âge du Fer.
3.5 - Conclusions
Pour la in du troisième millénaire, la région présente
divers modes d’occupation tels que les enclos du MIR
à Mondeville, l’éperon barré de Basly ou les occupations en aire ouverte de Digulleville ou de Beslon. En
revanche aucun site n’a livré pour l’instant de bâtiments
« géants » tels que ceux reconnus en Centre-Ouest et
jusqu’en Bretagne.
À partir de la in du Bronze ancien, la présence répétée
d’habitats enclos (Mondeville, « ZI sud » et « l’Étoile », Nonant, Vaux-sur-Seulles), rarement signalés par ailleurs
en France septentrionale, rappelle la situation observée
dans le sud de la Grande-Bretagne où les « irregular
enclosures » prennent place le plus souvent au sein de
vastes systèmes parcellaires. Là encore, la Normandie
se démarque du reste du continent avec les parcellaires
de Bernières-sur-Mer et surtout de Tatihou.
Au Bronze inal, les sites structurés sont moins nombreux suite à des problèmes de détection des sites
ouverts (cf. les problèmes des diagnostics évoqués
plus haut). Le type d’occupation est toutefois relativement proche de ce que l’on connaît dans les régions
limitrophes : petits établissements agricoles (quelques
bâtiments, des greniers, des silos, quelques fours, …)
À l’extrême in de la période, la région commence à
connaître le phénomène de l’habitat groupé qui donnera
naissance au village, comme à Cahagnes.
Cette présentation, si elle paraît, à la première lecture,
relativement complète et reléter une bonne connaissance de l’habitat protohistorique, reste toutefois très
incomplète, le nombre de sites étant très faible. La
poursuite d’un programme de détection et de fouille
dans ce domaine semble obligatoire pour combler les
trous chronologiques encore existants et pour valider
certaines hypothèses. On peut rappeler ici que le nombre d’habitats mis au jour par an (moyenne prise sur la
tranche du bilan) est de 1,3 alors qu’il est cinq à six fois
plus élevé pour l’âge du Fer.
4 – LES SITES DE PRODUCTION
Ce volet de la recherche n’a pas fait l’objet pour l’instant
d’un véritable programme de recherche orienté sur une
thématique protohistorique. Pourtant des données existent au niveau régional et il n’est pas inutile d’y revenir
dans le cadre de ce bilan même si nous débordons un
peu de la fourchette chronologique du cahier des charges (1984-2004).
4.1 - Le sel
Dans les années soixante, B. Édeine, à l’occasion de décapages liés à l’érosion marine, sur l’estran de Lion-surMer (Calvados ; Édeine 1962), découvrait un complexe
industriel lié à l’extraction du sel. Le mobilier céramique
associé aux nombreux éléments de briquetage plaçait la
fréquentation du site à la in du Bronze inal ou plus certainement au Hallstatt C. À cette occasion, puis après
les découvertes de Graye-sur-Mer (Calvados), datées de
La Tène B, Édeine proposait une première lecture de
la production de sel mettant en exergue la complexité
et le rôle central de ce produit. Depuis cette époque et
jusqu’au diagnostic de Dives-sur-Mer (Calvados ; Carpentier Marcigny, 2003 ; opération qui fait suite à un
premier suivi de travaux réalisé par J. Desloges), cet axe
de recherche était retombé dans l’oubli ; en 2004 un
nouveau programme a été réactivé (étude qui a abouti à
une publication en 2006).
4.2 - Le lithique
L’identiication et la provenance des matières premières lithiques utilisées pendant l’âge du Bronze est une question
particulièrement importante qui jusqu’à présent n’a pas été
traitée, malgré des synthèses récentes sur la perduration
des industries en pierre durant la protohistoire ancienne.
Toutefois deux types de lieux d’approvisionnement ont
été en partie fouillés à l’occasion de programmes de
recherches relevant d’autres périodes.
Le premier de ces programmes a concerné l’exploration
du complexe minier de Bretteville-le-Rabet (Calvados)
par J. Desloges entre 1980 et 1988. Ce travail gravitait autour d’une problématique élaborée pour la période
néolithique. Toutefois les datations isotopiques réalisées
sur ce site ont permis de caler une des périodes d’utilisation des mines dans le Bronze ancien et le début
du Bronze moyen, nous renvoyant invariablement vers
les datations obtenues sur les sites d’extraction d’outreManche (Grimes Grave par exemple).
Deuxième type de projet, l’observation régulière de l’érosion de la côte bas-normande par les prospecteurs (G.
Vilgrain et J. Barge, entre autres) a permis la découverte de plusieurs petits sites littoraux, généralement placés dans une fourchette chronologique large couvrant
la in du IIIe millénaire et le Bronze moyen. Ces occupations ponctuelles semblent correspondre à des sites de
ramassage et de débitage de galets maritimes dans le
cadre d’un débitage sur enclume (comme à Saint-Lôd’Ourville ou Les Pieux, par exemple, dans la Manche).
4.3 - L’argile et la production céramique
L’acquisition de l’argile pour la production céramique a
fait l’objet d’un programme soutenu dans les années
1990 (programme de G. San Juan puis X. Savary). Les
sites d’approvisionnement du Calvados ont été échantillonnés et, en parallèle, le mobilier céramique a été
étudié sous l’angle technologique (S. Clément-Sauleau ;
pétrographie par J. Le Gall puis X. Savary).
L’étude pétrographique des pâtes céramiques du IIIe millénaire en Basse-Normandie ne peut apporter d’enseignements importants au regard de la faiblesse des lots
et de la dispersion géographique des sites. Il est, par
exemple, regrettable qu’aucun autre assemblage associant céramique campaniforme et céramique d’accompagnement n’ait pu être analysé. L’étude ne nous donne
donc que peu d’éléments sur la stratégie d’approvisionnement de la matière première en fonction de ces types
de vases et sur d’éventuels échanges de céramiques.
Toutefois, l’analyse permet tout de même d’établir des
constats site par site et d’avancer quelques premières
remarques comme la prédominance des productions locales et l’absence de preuves d’importation à longue distance même pour les céramiques apparaissant les plus
caractéristiques de la culture campaniforme. Seuls les
petits échantillons de céramiques décorées au peigne
de Saint-Ouen-les-Besaces (Calvados) passent pour être
originaux dans des contextes géologiques armoricains.
Pour l’âge du Bronze ancien, l’étude ne s’appuie que
sur un nombre restreint d’échantillons et il est très
dificile de conclure quoi que ce soit sur l’ensemble de
cette période. Néanmoins, il est possible de remarquer
l’emploi ponctuel de végétaux pour dégraisser les pâtes et, même si l’interprétation des grains argileux est
souvent problématique, il est probable que la chamotte
ait souvent été utilisée dans le même but. Par ailleurs,
la céramique à pâte granitique de Bénouville (Calvados)
nous offre un premier exemplaire de pâte micacée en
contexte Plaine de Caen. Ce phénomène aura tendance
à se développer au Bronze moyen sur les sites funéraires et domestiques dans ce secteur géographique.
L’âge du Bronze moyen est la période pour laquelle les
données de l’étude pétrographique sont les plus complètes. D’abord par ce que la région bas-normande dispose
de sites fouillés récemment et de lots céramiques importants ayant donné lieu à une analyse technologique
rigoureuse. Ensuite, par ce que les pâtes montrent des
particularités qui n’ont pas échappé à l’observation croisée des archéologues et des géologues. L’étude pétrographique permet ainsi de dresser un premier constat
concernant les matériaux céramiques, notamment pour
le département du Calvados. L’existence de pâtes contenant des éléments exogènes sur les sites de Mondeville
(Calvados) pose la question d’un échange à longue distance qui, au regard de leur ressemblance typologique
avec des formes connues outre-Manche, pourrait éventuellement concerner le sud de l’Angleterre. Sur de nombreux sites du Calvados, la présence de pâtes micacées
apparaît d’autre part assez récurrente à cette période,
notamment sur les sites de l’agglomération caennaise,
en contexte d’habitat comme en domaine funéraire. Ces
pâtes, tantôt issues d’argiles apparemment monogéniques, tantôt résultant d’un mélange avec des matériaux
issus de l’environnement local des gisements archéologiques, tendent à prouver des pratiques potières assez originales. L’ajout éventuel d’un broyat de coquilles
peut également participer de ces pratiques sans qu’il
apparaisse effectivement comme propre à cette seule
période. C’est le cas également de l’ajout de grains de
chamotte qui conirme une pratique déjà avérée dans les
périodes précédentes. La présence de nombreuses pâ109
tes chamottées contenant des éléments arrondis issus
du Massif armoricain dans bon nombre de sites installés
dans une frange frontalière entre le Massif armoricain et
le plateau calcaire est encore une remarque à formuler.
Même si rien ne permet de dépasser le stade de la simple constatation, il est intéressant de signaler que bon
nombre de ces pâtes ont été découvertes au nord-ouest
de Caen dans un large secteur allant du Bessin jusqu’à
la région de Saint-Lô. Même si la comparaison des pâtes
d’un site à l’autre n’indique apparemment pas de véritables similitudes, l’utilisation de chamotte et de sables luviatiles pour dégraisser les argiles de façonnage pourrait
constituer une pratique commune à ces régions.
L’étude concernant les céramiques de l’âge du Bronze
inal est en cours.
4.4 - Le milieu littoral
En marge de cette thématique, la découverte d’une probable « pêcherie » de l’âge du Bronze dans les années
1970 par A. L’Homer (BRGM), à Saint-Jean-le-Thomas
(Manche), n’avait pas soulevé l’enthousiasme des chercheurs régionaux. La redécouverte par C. Billard et son
équipe de ce site, dans le cadre du PCR « L’exploitation
des milieux littoraux en Basse-Normandie », a permis de
lancer une véritable étude du site couplée à une politique
d’échantillonnage pour l’élaboration de référentiel dendrochronologique pour la région (sous la direction de V.
Bernard). Cette vaste structure datée du Bronze ancien
fait donc l’objet de sondages et de relevés complémentaires depuis 2002.
4.5 - Conclusions
Tout un pan de la recherche régionale échappe pour l’instant à l’analyse par manque de données sur les sites de
production. Les principaux résultats acquis, ces cinq dernières années, sont liés au mobilier céramique et sont
à mettre au compte d’un travail de fond sur ce type de
mobilier avec des objectifs chronologiques. Le mobilier
lithique qui a aussi fait l’objet d’une étude typo-chronologique n’a pas été approché par le biais de la pétrographie,
la question étant généralement éludée au proit d’une
attribution strictement locale. Pourtant, la diffusion du
silex bathonien sur de nombreux sites de l’âge du Bronze
est un acquis qui mériterait un effort d’inventaire et de
synthèse tout comme les matériaux plus exogènes provenant du Massif armoricain réservés à la parure ou au
matériel de mouture (schiste, dolérite, …).
Il importe donc maintenant, alors que certains thèmes
sont arrivés à maturation, de développer un programme de prospection et de sondage (échantillonnage) sur
les sites de production, corrélé avec une étude plus
détaillée des systèmes techniques. Cette nouvelle approche aurait pour objectif une meilleure lecture des
réseaux économiques à l’âge du Bronze.
5 – MOYENS DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATION
Cette thématique peut, au premier abord, surprendre
dans une programmation sur la protohistoire, mais,
pour une époque où l’espace rural est densément occupé, il n’est pas inintéressant de travailler les questions relevant du « hors sites ». La mise en place d’un
réseau de voies de communication terrestres, luviales et maritimes dès le début de l’âge du Bronze, fait
partie d’une problématique plus large rejoignant le
questionnement autour de l’économie et des systèmes
d’échanges à plus ou moins longues distances. La région bas-normande a livré plusieurs informations ces
vingt dernières années permettant d’illustrer ce dossier de la recherche.
110
Dans le cadre de l’archéologie préventive, plusieurs réseaux viaires appartenant au Bronze inal et/ou au Hallstatt ont été fouillés ou sondés à l’occasion de décapages
ou de diagnostics sur des grandes surfaces, comme à
Ifs « Object’Ifs sud » (Calvados ; Jahier 2000 et Le Goff
2001) ou à Cerisé (Orne ; diagnostic D. Flotté, L. Le
Gaillard, F. Tournier et fouille H. Lepaumier).
Pour le chapitre de la navigation luviale, les découvertes
remontent au XIXe siècle et au début du XXe siècle et
sont relatées par les Antiquaires. Dans cette abondante
littérature, il est plusieurs fois fait mention d’objets de
l’âge du Bronze en relation avec des pirogues dans la
vallée de l’Orne ou les marais de Carentan. L’absence de
travaux archéologiques dans ces contextes particulièrement favorables entre 1984 et 2004 limite bien entendu
les résultats ; une expérience menée en 2005 dans la
vallée du Dan (diagnostic, E. Ghesquière) s’est cependant
révélée particulièrement positive pour la période antique
et devrait être étendue à d’autres secteurs régionaux.
Conclusions
L’identiication récente de sites d’habitats associés directement à des chemins ou très probablement liés à
des cours d’eau ou à la façade littorale a éveillé l’équipe
régionale à une problématique nouvelle. En effet, depuis
maintenant cinq-six ans une attention particulière semble, progressivement, se porter vers l’identiication des
réseaux de sites et donc des systèmes de communication. Associée à l’étude des parcellaires, cette orientation de la recherche prend tout son intérêt dans le
cadre d’une lecture de l’espace rural.
Bien entendu ce type d’approche reste invariablement lié
aux travaux de prospection ou de diagnostic sur de très
grandes surfaces, la lecture multiscalaire étant la condition indispensable pour appréhender ce type de structuration de l’espace.
6 – LA CULTURE MATÉRIELLE
Les vestiges mobiliers font l’objet d’une attention particulièrement soutenue depuis ces quinze dernières années. Les problèmes de datation et plus généralement,
l’absence de cadres typo-chronologiques iables dans la
région, ont en effet nécessité un gros travail d’inventaire
et de sériation pour l’industrie lithique et les productions
céramiques.
6.1 - Le mobilier céramique
Les gisements datés de la in du IIIe millénaire sont peu
nombreux (in du Néolithique-première moitié de l’âge du
Bronze ancien ou « Early British Bronze age » – 2 600
- 1 600 BC ; ig. 17). On dénombre une vingtaine d’habitats, représentés par une ou quelques fosses sans
plans cohérents, et quatre sites à vocation funéraire.
En contexte funéraire, le mobilier provient essentiellement
de la réutilisation de monuments mégalithiques de la in
du Néolithique. À Passais-la-Conception dans l’Orne, par
exemple, la fouille de la sépulture à entrée latérale de la
« Table au Diable » (Chancerel, 1992) a permis l’observation de plusieurs fragments d’un gobelet campaniforme
décoré au peigne (style maritime dérivé). À Ifs dans le Calvados (inédit, fouille de E. Le Goff), un récipient complet
décoré (AOC) a été récemment mis au jour ; ce dernier,
isolé, peut avoir été associé à une sépulture aujourd’hui
détruite. Le site le plus important de la région reste cependant celui de Bernières-sur-Mer dans le Calvados, où deux
sépultures ont été découvertes lors de travaux de terrassement (Verron, 1976). Elles ont livré un gobelet inorné et
un gobelet à décor contracté réalisé au peigne (bandes de
croisillons surplombant une bande de triangles).
Les sites d’habitats ont fourni un corpus céramique plus
abondant. À Caen (Verron, 1979), Saint-Ouen-des-Besaces (inédit, fouille I. Jahier) ou à Graye-sur-Mer (inédit)
dans le Calvados, quelques tessons décorés de lignes
horizontales réalisées au peigne ou de bandes hachurées obliques limitées par une ligne ont été recueillis.
La céramique issue de l’enclos de Mondeville « MIR »
complète les séries du Calvados (inédit, fouille de D. Leroy) avec un vase haut, fermé, à proil en S, un gobelet
très épais au façonnement fruste décoré d’une ligne de
coups d’ongle groupés par deux sur le quart supérieur
du vase et d’incisions sur sa lèvre et trois fragments de
vases campaniformes. Le département de la Manche a
livré un corpus plus important. Le site de Digulleville « le
Raumarais » est daté de la in du Campaniforme dans la
mouvance des céramiques « épimaritimes » du CentreOuest (Letterlé et Verron, 1986). À Lingreville, les prospections de R. Verveur (Billard et al., 1995) ont livré plusieurs tessons campaniformes (inornés ou décorés au
peigne) associés à des céramiques domestiques (bord
à cordons préoraux, décor à l’ongle ...) proches des
ensembles de Guiberville (Marcigny et al., 2001) ou de
Saint-Lô et Agneaux (inédit, fouille C. Marcigny). Enin les
sites de Fleury et Beslon (inédit, fouille F. Convertini et
M.-N. Gondouin) ont permis la mise au jour de plusieurs
ensembles associant céramiques campaniformes (style
"épimaritime", proil à col rentrant, type britannique ;
Case, 1993) et récipients à cordons préoraux.
Même si le mobilier bas-normand présente toutes les
variabilités décoratives du Campaniforme (dont quelques-unes sont considérées comme de véritables marqueurs chronologiques), le peu de matériel discriminant
ne permet pas une confrontation iable avec les régions
voisines et interdit pour l’instant la création d’une séquence chrono-typologique. Il semble cependant que le
Campaniforme de Basse-Normandie soit à rapprocher
des groupes de l’Ouest et du Centre-Ouest (surtout pour
une partie des sites de la Manche) et dans une moindre
mesure de Grande-Bretagne (gobelet à proil segmenté
et à col rentrant). La céramique d’accompagnement,
constituée de nombreux cordons horizontaux nettement
situés sous le rebord des récipients, de décors à l’ongle
et de quelques vases dont le bord est souligné d’une
rangée de perforations traversières et équidistantes
(comme sur le site de Guilberville), est aussi très proche
des corpus de l’Ouest. L’ensemble s’inscrit parfaitement
dans le complexe Rhodano-Rhénan tel qu’il a été déini
par A. Gallay.
Les sites à céramiques datés de la deuxième moitié de
l’âge du Bronze ancien sont rares. Dans le département
de la Manche, ce sont plusieurs petits sites littoraux
identiiés dans le Nord Cotentin, - Lingreville/Bricqueville-sur-Mer « La Vanlée », Les Pieux « Plage de Sciotot », Réville,...- (Verron, 1980 ; Billard et al, 1995)
qui ont livré de nombreux tessons lors de prospections
pédestres. Ces assemblages présentent les mêmes
composantes qui peuvent être résumées brièvement :
présence de gobelets carénés à anse plate relativement
proches d’exemplaires du Nord de la France et de vases de la culture des tumulus armoricains, de vases
décorés de cannelures (comparables à ceux de style
« épicampaniforme » breton), de quelques tessons décorés au peigne ou à l’ongle, de bords à lèvre aplatie
soulignés de ines cannelures horizontales, d’anses en
arceau et de cordons lisses ou digités. Malheureusement ces séries ne peuvent être considérées comme
iables, les mélanges en particulier ne sont pas à exclure (la série de Réville a aussi livré des tessons de
tradition Villeneuve-Saint-Germain, du mobilier de l’âge
du Fer et gallo-romain).
Le parcellaire loti de l’Île deTatihou reste le seul site
de référence (ig. 18 et 19). Il a livré, dans sa première phase, un lot céramique proche de celui de Réville
(Marcigny et Ghesquière, 2003b). Les formes restituables sont des vases hauts, fermés, sans col, à paroi
courbe et à lèvre biseautée (une forme en bouteille sort
du lot). Les formes basses et les éléments segmentés
0
10 cm
Fig. 17 – Assemblage céramique du IIIe millénaire (D. Giazzon et C. Marcigny, INRAP).
111
0
10 cm
Fig. 18 – Assemblage céramique de la in du Bronze ancien (D. Giazzon et C. Marcigny, INRAP).
sont inexistants. Les organes de préhension sont multiples. Les plus nombreux sont les languettes ou les
mamelons généralement au nombre de deux. Les cordons en arceau, moins nombreux, sont cependant bien
présents et semblent caractéristiques du corpus au
même titre que les anses simulées. Les décors situés
sur le quart supérieur des vases sont riches et diversiiés. Les décors incisés forment la dominante du corpus ; il s’agit généralement de ines lignes horizontales
sous le bord ou, dans le cas d’un vase, de lignes horizontales recoupées par un décor de chevrons emboîtés. Moins nombreux, les décors réalisés au poinçon
ou au coquillage forment des lignes horizontales enchevêtrées ou des diagonales. Le dernier type de décor
est constitué de cannelures horizontales sous le bord,
proches de certains décors incisés, parfois recoupées
par une nervure verticale surmontant un cordon arciforme. Les cordons sont rares. Cette série présente
aussi de fortes afinités avec les éléments céramiques
des autres habitats côtiers, les anses en arceau et les
décors de cannelures ou de ines lignes incisées sont
comparables. Ce type de motif (ine cannelure et/ou
de chevron) présente de fortes ressemblances avec
les céramiques à décor cordé du début de l’âge du
Bronze ou avec celles du groupe de Trevisker de la
in de l’âge du Bronze ancien et du début de l’âge du
Bronze moyen.
112
Fig. 19 – Four de «potier» de la in de l’âge du Bronze ancien
du site de Tatihou (Manche) (cliché C. Marcigny, INRAP).
Dans le département du Calvados, seul un site a été
identiié pour cette période. Il s’agit d’un enclos curvilinéaire, sondé dans le cadre du P.C.R. sur le Néolithique
(dirigé par A. Chancerel) à Thaon dans le Calvados ; le
mobilier recueilli est constitué d’une urne décorée de
cordons à anse arciforme, de formes carénées et d’un
tenon (inédit, fouille A. Chancerel et G. San Juan). L’ensemble bien que peu abondant peut être daté du début
de la deuxième moitié du Bronze ancien.
Tenter une synthèse chrono-typologique du mobilier de
la in de l’âge du Bronze ancien est pour l’instant totalement impossible. Le corpus des ensembles repose
sur deux sites placés à la in de la séquence. Deux faits
essentiels semblent cependant constituer la trame de
la périodisation de la première moitié du IIe millénaire :
l’importance du fonds de tradition campaniforme dans la
genèse des assemblages céramiques de l’âge du Bronze ancien et l’apparition de céramiques appartenant aux
groupes chronoculturels du sud de l’Angleterre.
Les données concernant l’âge du Bronze moyen et du
début du Bronze inal sont plus conséquentes. Plusieurs
habitats sont connus et trois sites couvrant l’âge du
Bronze moyen et le début de l’âge du Bronze inal permettent de suivre l’évolution du mobilier céramique bas
normand : le parcellaire loti de l’Île de Tatihou (phase 2)
dans la Manche, Nonant et les enclos de Mondeville et
Grentheville dans le Calvados.
Un vaste enclos quadrangulaire découvert à Nonant (Calvados ; ig. 18) a livré un abondant mobilier céramique.
Les formes hautes représentent la moitié des céramiques
restituables graphiquement. Elles se partagent entre les
proils céramiques hauts/ouverts (35%) et les récipients
hauts/fermés (15%). La première catégorie est essentiellement constituée de deux types de forme : les récipients
sans col à paroi droite sans décor et les récipients sans
col ou à col peu marqué à paroi légèrement courbe généralement décorée d’un cordon collé digité situé sur le tiers
supérieur. Les proils céramiques hauts/fermés sont plus
diversiiés. On distingue un vase globulaire à col très resserré, un récipient, dont la partie haute manque, à paroi
rectiligne carénée, et un fragment de col appartenant à
une céramique de fort volume (gros vase de stockage).
Le tiers du corpus est constitué de formes moyennes.
La variabilité des proils est assez faible, les seules différences sont liées au degré d’ouverture des vases et à la
présence ou non d’un col légèrement rentrant. Les lèvres
de ces vases sont arrondies dans certains cas ou ourlées
vers l’extérieur. Les décors sur ce type de récipient sont
inexistants. La dernière catégorie regroupe les formes
basses. Les récipients bas/ouverts sont représentés par
un « plat à pain » ou un couvercle et un petit vase archéologiquement complet sans col à paroi rectiligne. Deux
proils identiques à lèvres parementées épaissies décorées de cannelures (« mortier ») constituent les derniers
représentants des formes basses/ouvertes. Les organes
de préhension sont uniquement représentés par des cordons en arceau. Les décors situés sur le quart supérieur
des vases sont riches et diversiiés. Les décors plastiques
sont les plus fréquents. Les boutons sont représentés par
un tesson et ce sont les cordons qui dominent le corpus.
Ils sont systématiquement collés et peuvent être lisses ou
digités. Trois tessons possèdent un décor incisé; il s’agit
généralement de ines lignes horizontales placées sous
un cordon ou au-dessus d’une cannelure. Le dernier type
de décor est constitué de cannelures horizontales larges.
Ce corpus présente de fortes afinités avec le mobilier
céramique de Tatihou dans sa phase ancienne mais il possède déjà les caractéristiques des assemblages du sud
de l’Angleterre attribués au complexe Deverel-Rimbury. Il
peut donc être placé au début du Bronze moyen.
Fig. 20 – Céramiques du Bronze ancien et moyen du site de Tatihou (Manche)
(cliché H. Paitier, INRAP)
À Tatihou (phase 2 ; ig. 20 et 21), les formes céramiques sont diversiiées. On reconnaît des vases hauts,
fermés, sans col, à paroi subrectiligne ou légèrement
courbe uniquement décorés de cordons lisses ; les lèvres
qui leur sont associées sont biseautées. Des vases hauts
fermés sans col à paroi courbe présentent généralement
un décor de cordon digité et leurs lèvres sont aplaties ou
arrondies. Les formes basses, plus rares, sont aussi décorées. Il s’agit d’un petit gobelet décoré de boutons sous
la lèvre et d’un vase à paroi courbe et à lèvre arrondie
légèrement éversée, décorée d’un cordon lisse. Quelques
éléments segmentés sont aussi observables. Les organes de préhension sont des languettes disposées, selon
une symétrie binaire, sur les cordons lisses, digités ou
de véritables tenons. Les organes de suspension sont
représentés par un vase à quatre anses. Les anses sont
inscrites entre deux cordons lisses.
À Mondeville « L’Étoile » (ig. 21), l’assemblage est constitué d’une quarantaine de récipients. Les formes hautes
dominent le corpus, comme à Plomb:Braffais (Manche)
(ig. 22). Une jarre tronconique à panse globulaire et à
fond plat présente un décor couvrant la totalité du vase.
La lèvre porte un décor digité, la partie supérieure du
vase est décorée d’un cordon digité collé muni de quatre languettes horizontales. Sur la panse entièrement
décorée au peigne, les restes de quatre cordons digités
verticaux partant du cordon horizontal sont conservés
ponctuellement. Un second vase uniquement représenté
par sa partie supérieure est assez proche du récipient
précédent si ce n’est la présence d’un col convergent
nettement individualisé surmonté d’une lèvre divergente épaissie et aplatie. Ce vase possède, sous son col,
un décor linéaire de chevrons incisés. Plusieurs autres
fragments appartiennent à des formes hautes segmentées et à des formes tronconiques dont le col est inscrit
dans l’axe de la panse. Les récipients de cette catégorie sont généralement décorés sur leur quart supérieur
d’un cordon lisse ou digité. Leurs lèvres portent généralement un décor digité. Les formes basses-ouvertes
sont beaucoup plus rares. On dénombre trois individus à
proil complet. Un vase a un proil cylindrique à fond plat
et à lèvre aplatie soulignée d’une rangée de boutons collés. Les autres céramiques ont des proils globulaires à
col en S et à fond plat. Ils sont tous les deux munis d’organes de préhension situés sous la jonction col/panse
(respectivement quatre boutons et quatre anses).
Les deux enclos mitoyens de Mondeville-Grentheville « ZI
Sud » sont bien datés de la transition Bronze moyen/
inal I grâce à l’association d’une hache à talon de type
normand, d’une pointe de lance de type Sucy et d’une
épingle à renlement fusiforme nervuré appartenant à la
famille des épingles de la in du Bronze moyen du quart
113
0
10 cm
A
0
10 cm
B
Fig. 21 – Assemblage céramique du Bronze moyen (A) / Bronze inal 1 (B) (D. Giazzon et C. Marcigny, INRAP).
nord-ouest de la France. Ce site a livré une cinquantaine
de vases. Les formes hautes dominent. Deux individus
peuvent être considérés comme réellement ouverts,
il s’agit d’une forme légèrement tronconique et d’une
forme globulaire décorée de digitations sur le quart supérieur de la panse. Deux autres unités appartiennent
aux formes tronconiques dont le col s’inscrit dans l’axe
de la panse. Un des deux vases est décoré sur le quart
supérieur d’un cordon lisse et possède un fond plat. Le
second est une jarre volumineuse à lèvre digitée épaissie
et aplatie de manière à former un bourrelet à l’intérieur
du récipient. Elle est décorée sur le quart supérieur d’un
cordon lisse encadrant un décor de cordons digités disposés en chevrons. Les vases fermés sont représentés
par une forme tronconique dont la partie supérieure est
inléchie vers l’intérieur du vase et une forme globulaire à
114
col nettement différencié (« bouteille »). La jonction col/
panse est munie d’au moins une anse de section rectangulaire sur laquelle prend appui un décor de deux lignes
incisées encadrant un motif de croisillons. Les formes
basses-ouvertes sont plus rares. On dénombre deux individus. Un vase est particulièrement intéressant, puisqu’il
est présent à Tatihou et à Mondeville « L’Etoile », il s’agit
d’un proil cylindrique à fond plat et à lèvre arrondie soulignée d’une rangée de boutons collés.
L’ensemble des traits typologiques reconnus sur ces
trois sites trouve sa place dans les corpus céramiques
du Bronze moyen et du début du Bronze inal appartenant au domaine « atlantique », proche des sites britanniques de tradition Deverel-Rimbury. Les formes hautes
sont à comparer avec les « Bucket-Urns », qui peuvent
être décorées de cordons lisses ou digités. Les assemblages complexes de cordons sur deux registres ou en
T sont aussi connus outre-Manche à Latch Farm par
exemple ou à Kimpton, mais aussi en France comme
dans la grotte du Quéroy à Chazelles en Charente, et
sont datés du Bronze moyen. Dans le Nord de la France, les sites d’habitat du Bronze moyen sont rares et livrent généralement peu de mobilier. On peut cependant
noter des analogies avec le site de Rœux dans le Nord
où l’on retrouve le même type d’assemblage céramique (ce site est daté vers 1 500 BC). Les anses plus
rares sur les sites britanniques ont été observées en
contexte Bronze moyen sur le site de Fort-Harrouard.
Sur ce dernier gisement, les moyens de suspension
sont aussi encadrés par des cordons lisses comme à
Tatihou. Le petit gobelet décoré de boutons, reconnu
sur les trois sites, est une forme ubiquiste que l’on retrouve dans les îles anglo-normandes et en Bretagne
de la in du Néolithique à la in du Bronze moyen. Les
formes à proil en S, communes aux sites de Mondeville, trouvent leurs parallèles dans les assemblages
céramiques du Bronze moyen jusqu’au deuxième âge
du Fer. Elles sont cependant toutes les deux proches
de proils découverts en contexte Bronze moyen / inal
en Charente-Maritime. La grande urne de Mondeville
« L’Étoile » avec son décor de cordon en T et son traitement de surface peigné plus proche du décor que de la
seule indication relative au procédé de façonnage, est
comparable à de nombreux exemplaires découverts en
Charente-Maritime dans la Grotte des Duffaits (datée
entre 1 685 et 1 130 av. J.-C., Gomez de Soto, 1973
et 1995), dans l’Allier à Chemilly, au Fort-Harrouard en
Eure-et-Loir, dans un contexte bien daté par le mobilier
métallique du Bronze inal I, ou encore en Haute-Loire
à Arsac-en-Velay daté du Bronze moyen. Les formes
segmentées, plus rares, peuvent être comparées à
certaines céramiques de Tatihou en contexte Bronze
moyen. Le décor incisé disposé en chevrons du vase de
« l’Étoile » est aussi très caractéristique. On le retrouve
sur les récipients du Bronze moyen du sud-ouest de
l’Angleterre dans le groupe de « Trevisker » contemporain du « Deverel-Rimbury ». L’urne de Mondeville « ZI
Sud » est comparable au vase de Amesbury - Barrow
G68 - dans le Wiltshire (Gerloff, 1975). Les formes
globulaires de ce dernier site posent plus de problèmes. L’individu muni d’anses et décoré de croisillons
peut, quant à lui, être comparé à certains récipients du
groupe des Duffaits dans le Centre-Ouest.
La deuxième moitié de l’âge du Bronze inal (Bronze inal
II et III) est plus dificile à caractériser sur le plan typochronologique (ig. 24). Les quelques sites domestiques
mis au jour récemment à Cahagnes (Jahier, 1997), à
Mondeville, à Cagny « AE8 » et Cagny « Ring-Fort », dans
le Calvados (San Juan et al, 1996 ; Desloges, 1992)
ou lors de prospections à Lingreville dans la Manche
(Billard et al, 1995), n’ont pas livré un mobilier discriminant permettant d’assurer leur datation précise, généralement comprise entre l’âge du Bronze inal et le
début du premier âge du Fer. Le site funéraire de Soulangy dans le Calvados (Jahier, 1992) pose les mêmes
problèmes chronologiques. Seuls quatre gisements ont
fourni un lot céramique sufisant.
Les sites de Cussy dans le Calvados (Marcigny et
Ghesquière, 1998a) et Hébécrevon dans la Manche
ont livré un corpus proche constitué de formes simples (tronconiques ou droites). Les cols des vases sont
soit peu individualisés soit composites, sous la forme
de cols segmentés ou éversés. Les décors sont limités à la lèvre, à la base du col ou plus rarement à la
panse. Les fonds sont plats à bourrelet d’assise, sans
liaison panse/fond et dans un cas ombiliqué. Les décors, qu’ils soient placés sur la lèvre ou à la base des
cols, sont connus sur un nombre important de proils
compris entre la in du Bronze moyen et le second âge
du Fer. Les formes basses sont des proils ubiquistes
que l’on retrouve durant toute la deuxième moitié de
l’âge du Bronze et le premier âge du Fer. Cependant
les exemplaires de Basse-Normandie sont proches des
vases à fond plat de Grimes Graves dans le Norfolk ou
de certaines céramiques de Fort-Harrouard. Ces sites
sont datés de la in de l’âge du Bronze, Bronze inal IIb
et IIIa pour le Fort-Harrouard. Les formes hautes ont
de nombreux parallèles dans le Nord de la France. Ce
type de décor linéaire réalisé au poinçon triangulaire
sur un col segmenté (ou éversé) trouve sa place dans
le Bronze inal IIIa de Catenoy « Camp de César » - phase I -, dans le Bronze inal IIIb de Choisy-au-Bac ou de
Fresnes-les-Montauban. Le traitement de surface des
vases, sommaire avec de nombreuses digitations, peut
également être considéré comme un élément datant
et se compare tout à fait aux céramiques du gisement
Bronze inal de Runnymede Bridge en Grande Bretagne. Le contexte de la « Plain Ware » d’outre-Manche présente d’ailleurs de nombreuses afinités avec
les formes simples de Basse-Normandie. À Ifs dans le
Calvados (fouille de E. Le Goff) et à Flamanville dans la
Manche (inédit), les corpus sont semblables à ceux de
Cussy et d'Hébécrevon (bien que moins étoffés) mais
ils ont la caractéristique d’associer des gobelets RSFO
permettant de se rapprocher des contextes orientaux
et fournissant un solide ancrage de ces lots céramiques « peu typés » dans le Bronze inal IIb/IIIa (cet
ancrage est renforcé à Ifs par la présence dans le lot
d’un ciseau à douille, et de moules d’épée en langue de
carpe datés du Bronze inal IIIb).
À la lumière de ces premiers résultats et de leur
confrontation avec les découvertes antérieures, il est
possible d’associer les corpus régionaux. La céramique
de Cagny « AE8 » et dans une moindre mesure de l’enclos de Cagny, présente de nombreuses afinités avec
les sites de Cussy et d’Hébécrevon. On notera en particulier les traitements de surface et le fond des vases
digité à l’intérieur et à l’extérieur et les décors de Cagny
« AE8 » où l’on retrouve les lèvres digitées ou incisées
et plus particulièrement le fragment d’urne à col segmenté. Ce dernier est proche des deux formes biconiques de Mondeville « Haut-Saint-Martin ». Les sites de
Soulangy et de Cahagnes trouvent plus dificilement leur
place dans ce schéma. Le mobilier de l’enclos funéraire
premier âge du Fer de Soulangy possède cependant
quelques parallèles avec Cussy et Cagny « AE8 » (lèvres
et fonds digités). L’habitat de Cahagnes présente à la
fois des éléments anciens (cordons digités disposés en
réseau) et des éléments qui paraissent plus récents.
Ces derniers dénotent des inluences continentales
proches des sites d’Ifs, Flamanville ou Soumont-SaintQuentin.
Le Bronze inal bas-normand reste donc dificile à sérier. Le peu de sites de référence et l’absence de jalon
géographique proche rendent toutes les interprétations
chronoculturelles délicates. On peut cependant souligner
les fortes afinités des corpus céramiques régionaux
avec les groupes du Sud de l’Angleterre (« Post-DeverelRimbury undecorated phase/Plain Ware »), liens qui
perdureront dans une moindre mesure durant le début
du premier âge du Fer, mais aussi, la présence timide
de récipients de traditions continentales dès la phase
moyenne du Bronze inal (écuelle à proil segmenté,
assiette tronconique, gobelet à proil segmenté, vase
biconique, …).
115
Fig. 22 – Céramiques du Bronze moyen du site de Plomb /Braffais (Manche)
(cliché H. Paitier, INRAP)
Fig. 23 – Hache à talon de type normand, pointe de lance de type Sucy et épingle à
renlement fusiforme nervuré de Mondeville-Grentheville « ZI Sud » ; Bronze moyen
(Calvados) (cliché H. Paitier, INRAP)
0
10 cm
A
0
10 cm
B
Fig. 24 – Assemblage céramique des phases 2 (A) et 3 (B) du Bronze inal (D. Giazzon et C. Marcigny, INRAP).
116
En parallèle à cette étude typo-chronologique, l’analyse
pétrographique du mobilier céramique est réalisée par
un géologue travaillant au Conseil Général du Calvados
(Archéologie, Cellule géologie, X. Savary). Ce travail pétrographique s’inscrit dans l’étude globale de la production céramique. Celle-ci prend en compte à la fois les
aspects technologiques (pétrographie, techniques de
montage, cuisson …) et la description des vases. Ces
deux approches regroupent l’ensemble des critères participant à la description la plus complète du tesson : préparation de la pâte, façonnage, traitement de surface et
type de cuisson, puis typométrie (dimensions, épaisseur,
poids ...) et morphologie.
L’étude pétrographique des pâtes permet d’aborder
concrètement l’économie céramique. La plupart des sites retenus étant des occupations domestiques à caractère agricole, caractériser les lieux d’approvisionnement
permet de mesurer l’ampleur de l’espace relationnel des
habitats.
Ainsi les céramiques de style Trevisker mises au jour
à Mondeville (Calvados) sont façonnées à partir d’une
pâte gabbro-dioritique provenant de zones lointaines, situées hors du secteur bas-normand. Ce type d’argile est
connu dans le massif de Trégomar en Bretagne, dans
certains massifs des Îles anglo-normandes mais surtout
dans le Sud-Est de l’Angleterre où domine le groupe de
Trevisker au IIe millénaire.
Dans la plupart des cas et pour l’ensemble de l’âge du
Bronze, les principaux matériaux à poterie sont issus de
l’approvisionnement local et la situation des afleurements
de matières premières a guidé les modalités de la production céramique : l’emploi généralisé des argiles à bioclastes du Bathonien supérieur, dans le Calvados, est par
exemple signiicatif. Cependant, des argiles ou des sables
micacés sont largement utilisés pour les récipients de la
in du Bronze ancien et du Bronze moyen, soit tels que,
soit en ajout à des matériaux locaux (en particulier sur les
Neo final
grandes urnes de tradition Deverel-Rimbury), participant
ainsi à la discrimination typo-chronologique de certains
assemblages céramiques. Pour les sites du Calvados
(Nonant, Mondeville « L’Étoile » et « ZI Sud »), ces argiles
micacées sont des produits d’altération de granite qui
se situent dans la région d’Alençon, c’est-à-dire à quelque 70 km des sites, témoignant ainsi d’une sélection du
matériau et de son éventuelle utilisation comme dégraissant en fonction de critères technologiques maîtrisés
mais aussi en fonction de données socio-économiques
qui échappent pour l’instant à l’analyse.
6.2 - Le mobilier lithique
L’analyse de l’industrie lithique a été ces dix dernières
années l’objet d’une attention toute particulière. En effet, son étude dans les contextes de l’âge du Bronze et
du premier âge du Fer est un cas encore peu répandu.
Ce type de mobilier est souvent, soit absent des assemblages, soit délaissé, et les séries ayant fait l’objet
d’une réelle étude sont rares dans le Nord de la France
alors que l’industrie lithique est bien représentée sur la
plupart des sites de l’âge du Bronze (Rœux, Fréthun,
Étaples et Poses). En Basse-Normandie, la fouille du site
de Tatihou a renouvelé l’étude de ce mobilier (Marcigny
et Ghesquière, 2003b) jusqu’alors limitée à de petites
séries de la transition Néolithique inal/Bronze ancien
(Digulleville par exemple), ce qui a autorisé un début de
travail de synthèse à partir de séries soit anciennes, soit
découvertes depuis. Ce dernier a entraîné une revalorisation de l’industrie lithique, qui semble tenir une place
encore importante sur un grand nombre d’occupations
de toute la période et participe désormais activement
à afiner l’attribution chrono-culturelle jusqu’alors dépendante du seul mobilier céramique. Les principaux
résultats concernent la mise en évidence d’un système
de production et d’un outillage extrêmement simpliié
par rapport aux périodes précédentes, qui préigurent
l’abandon total de l’usage du silex (ig. 25).
Fin du IIIe
millénaire
Bronze
ancien
Bronze
moyen
microdenticulé
grattoir
tranchet
pressignien
arm tranchante
arm. à pédoncule
arm. à base concave
Fig. 25 – Première tentative de sériation de certains outils en silex (E. Ghesquière, INRAP).
117
Liée directement à la présence d’une industrie en silex
abondante sur les sites de l’âge du Bronze ancien et
moyen, l’utilisation encore très active de minières de silex, durant les IIIe et IIe millénaires, a été mise en évidence lors de la datation des puits fouillés par J. Desloges
à Bretteville-le-Rabet dans le Calvados. La production
lithique est composée principalement de deux catégories de pièces : les haches polies, dont aucune n’a été
découverte en contexte minier et les outils d’exploitation
(pics triédriques longs ou courts, pics hachettiformes,
pics naviformes), présents en quantité assez importante
dans les puits d’extraction, même s’ils sont moins bien
représentés que dans les puits de la période néolithique.
La fréquentation des minières à cette époque renvoie
une fois de plus aux comparaisons anglaises et en particulier au Sud de l’Angleterre avec le site de Grimes-Graves qui a livré de nombreux artefacts de l’âge du Bronze
ancien et du Bronze moyen.
6.3 - Le mobilier métallique et les dépôts
En Basse-Normandie, l’inventaire du mobilier métallique
a permis d’enregistrer dès à présent près de 2500 objets. Cet inventaire, réalisé en combinant à la fois les
données bibliographiques et l’étude du mobilier conservé, a permis la création d’une base de données dans laquelle ces objets sont décrits individuellement et igurés
(ig. 26). Chronologiquement, ce sont ainsi 308 sites ou
unités archéologiques qui sont sufisamment bien documentés pour pouvoir constituer le cadre chrono-typologique de cette région.
Le mobilier métallique de l’âge du Bronze ancien et du
début de l’âge du Bronze moyen est connu à travers de
nombreuses découvertes isolées ou en dépôt. Il s’agit
généralement de haches plates (ou à faibles rebords
martelés) et de haches à rebords, parfois décorées (Colombiers-sur-Seulles ; Ghesquière et al., 1994) ou de
poignards de type Tréboul (Caen ; Verney, 1993a). Le
dépôt découvert à Maisons en 1875 est à ce titre très
représentatif puisqu’il associe deux classiques pointes
de lance de type Tréboul, un marteau parmi les plus
anciens du Nord-Ouest de la France, une boucle et onze
haches à faibles rebords à bords légèrement concaves
et à tranchant évasé (datation : 1 600 - 1 400 avant notre ère ; Briard et Verney, 1996). Les relations avec les
Îles britanniques sont sensibles au travers de quelques
séries métalliques : hache à talon naissant et écusson
de Beaumont-Hague (Manche), pointe de lance à œillets
sur la douille et rasoirs à soie du dépôt de Caen.
Le mobilier à base cuivre de la seconde partie du Bronze
moyen relève d’un répertoire typologique restreint qui
relète la bipolarité culturelle Armorique/bassin inférieur de la Seine dans laquelle s’inscrit alors la BasseNormandie (Verney, 1993b ; Briard et Verney, 1996 ;
Gabillot, 2003) :
- avec des haches à talon où le type normand domine
dans les dépôts de la partie sédimentaire de la région (à
Orgères, Orne, par exemple, où des haches sorties d’un
même moule ont été identiiées, premier témoignage
d’une production d’objets métalliques en série, phénomène bien documenté par les ensembles de la basse
vallée de la Seine) ;
- et le type breton majoritaire dans les dépôts situés à
l’approche du Massif armoricain (Vaux-sur-Aure, Calvados et Perrou, Orne) représenté par quelques découvertes isolées dans la partie orientale de la région.
L’inluence du groupe armoricain est d’ailleurs renforcée
par la présence de bracelets à légers tampons et jonc
incisé de type Bignan, tels les exemplaires d’Huberville
(Manche) ou ceux des dépôts de Canchy entièrement
118
composés de bracelets de ce type et de Saint-Germainle-Vasson (Calvados), associés à des bracelets à jonc
torsadé moulé.
Les objets traduisant clairement des contacts avec
les régions situées à l’Est et au Sud-Est du Bassin parisien sont ici très rares. Seules la hache à rebords
de type Porcieu-Amblagnieu de Dozulé et une épingle
type Saint-Germain-au-Mont-d’Or provenant de SoumontSaint-Quentin révèlent cette inluence qui se manifeste
de manière beaucoup plus claire dans la haute Seine et
le bassin de l’Yonne. De la même manière, rares sont
alors les objets métalliques de tradition clairement britannique, contrairement à ce que l’on peut constater
dans le bassin inférieur de la Seine.
Les données concernant le mobilier métallique de l’âge
du Bronze inal sont nombreuses mais très mal réparties au sein de la période. On constate ainsi la faiblesse
des découvertes du Bronze inal I (horizon Rosnoën)
mais encore plus de celles attribuables au Bronze inal
II (horizon Saint-Brieuc-des-Iffs), alors qu’au contraire les
données relatives au mobilier métallique du Bronze inal
III (horizon de l’épée en langue de carpe) sont particulièrement abondantes. Le début du Bronze inal est marqué semble-t-il par un renouvellement complet du répertoire typologique dans tous les groupes fonctionnels. À
cette évolution quelque peu « brutale », semble s’associer une modiication profonde dans le mode de constitution des ensembles métalliques. Les dépôts sont pour
la première fois constitués d’objets fragmentés. À cette
pratique qui se généralisera dans les phases suivantes,
viendra s’ajouter la dispersion des différents fragments
d’un même objet avant l’abandon. Ce phénomène est
particulièrement courant dans les grands ensembles du
Bronze inal III, dans lesquels il est très rare de pouvoir
reconstituer des objets complets. Au cours du Bronze
inal I, les quelques ensembles de référence font apparaître le caractère particulier de la Basse-Normandie,
qui se présente sous l’aspect d’une région au carrefour
d’inluences convergentes : Îles Britanniques, Massif armoricain, France orientale. La basse vallée de la Seine
semble alors s’être presque totalement effacée comme
centre innovant. Malgré la faiblesse de notre documentation, il semble que les passages entre le Bronze inal I
et II puis II et III soient progressifs et sans rupture véritable. C’est au cours de la dernière période que des données alors abondantes permettent d’inscrire clairement
la Basse-Normandie dans le grand courant du Bronze
inal atlantique.
L’affaiblissement des traditions culturelles de l’âge du
Bronze inal se poursuit tout au long du premier âge
du Fer, alors qu’une mutation profonde s’annonce. Elle
est particulièrement bien illustrée par le phénomène
des dépôts de haches à douille armoricaines : les types
Couville dans tout le Cotentin et le Nord de l’Ille-et-Vilaine, les haches de type Saint-James et Maure dans un
secteur plus restreint, les haches de type Tréhou dans
la Manche et les Côtes d’Armor et les haches de type
Chailloué, phénomène plus « continental » dans l’Orne
et la Mayenne.
La mutation de l’âge du Bronze en un âge du Fer semble
achevée lors d’une phase désormais particulièrement
bien connue dans le Bassin de l’Orne (Hallstatt D), en
particulier à travers le mobilier issu des nécropoles.
Formant le second axe de la recherche régionale, les
dépôts d’objets métalliques ont pendant longtemps
été la seule façon d’approcher les gestes culturels (et
cultuels) de la protohistoire ancienne (travaux de G. Verron et plus récemment A. Verney et M. Gabillot). En
effet, ce type de comportement, l’un des plus carac-
Fig. 26 – Exemple d’une des iches de la base de données, constituée par A. Verney et complétée depuis, pour l’inventaire des objets métalliques de BasseNormandie (A. Verney, Musée Baron Gérard, ville de Bayeux).
119
téristiques de l’âge du Bronze et du premier âge du
Fer, est fréquemment rencontré en Basse-Normandie.
Ce sont plus de deux cents ensembles qui ont été mis
au jour dans la région depuis plus de deux siècles. Le
département de la Manche est particulièrement riche
en ce domaine, puisqu’il regroupe à lui seul près de
cent quarante découvertes. Dans la plupart des cas,
aucun relevé précis n’a été effectué à l’occasion de la
mise au jour des objets. Ceci nous prive d’informations
fondamentales pour déterminer la manière dont ils ont
été abandonnés (forme de la fosse, position des objets
les uns par rapport aux autres, etc.). La conservation
d’éléments non métalliques (céramiques, charbons de
bois, etc.) parfois très discrets (fragments de textiles,
de liens végétaux, pollens, etc.) permettant d’effectuer
des datations absolues, d’étudier l’environnement immédiat des dépôts voire leur organisation interne, n’a pas
été prise en compte. Trop souvent même, la plupart
des objets ont disparu avant de pouvoir être étudiés,
dispersés entre différentes personnes ou vendus à des
ferrailleurs ain d’être refondus. Combien de dépôts de
l’âge du Bronze de la Manche ont ainsi disparu dans
les fonderies de Villedieu-les-Poêles ? Pourtant lorsqu’on
étudie les éléments à notre disposition, on s’aperçoit
rapidement que sous le terme générique de « dépôt »
sont assimilées des pratiques très diverses témoignant
de la complexité du phénomène. Si nous nous concentrons sur la manière dont les objets sont rassemblés et
abandonnés, il est possible de cerner une évolution particulièrement frappante. Par exemple au Bronze moyen,
nous sommes en présence de dépôts essentiellement
constitués de haches abandonnées entières, parfois
brutes de fonte, prouvant en cela qu’elles n’ont pas été
utilisées avant l’enfouissement, et qu’elles ne sont que le
relet partiel de la production métallique contemporaine,
tels que les vestiges métalliques rencontrés sur les habitats en témoignent. Le matériel destiné aux dépôts
est alors une production très standardisée, comportant
assez fréquemment des séries d’objets issus de mêmes
moules, prouvant en cela qu’un lien étroit existait entre
le lieu de production et le lieu d’abandon. Au début du
Bronze inal, la panoplie des objets abandonnés se diversiie, mais si leur fragmentation devient une pratique
courante, dans la plupart des cas, les différentes parties
d’un même objet sont présentes dans le dépôt. La pratique qui consiste à disperser les différents fragments
d’un même objet se développe au cours de la phase
suivante, pour devenir presque exclusive au cours du
Bronze inal III. Enin, au début de l’âge du Fer, vers 600
avant notre ère, nous retrouvons des dépôts constitués
d’objets entiers possédant des caractères très proches
de ceux du Bronze moyen, avant que ne disparaisse un
siècle plus tard, l’habitude d’abandonner des objets métalliques sous cette forme. À la in des années soixante,
la mise au jour de dépôts en place et l’étude des sites de
découverte ont permis de démontrer que dans certains
cas nous étions en présence de véritables sites de dépôts comme l’extraordinaire gisement de Marchésieux
(Manche) dans les marais de Carentan, où pas moins
de six ensembles ont été mis au jour. Les plus récentes
découvertes effectuées à Cerisy-la-Salle (Verney et Desloges, 2000), Brix, Trelly (Verney et Desloges, 1998 ;
Verney, 1999a) (ig. 27) et Agneaux (Ghesquière et al.,
2000) (ig. 28) ont naturellement permis d’enregistrer
de nouvelles informations. Les investigations qui sont
aujourd’hui menées sur de tels ensembles consistent,
à partir de l’étude de l’objet dans son contexte d’abandon, à reconstituer les modes de rassemblement des
vestiges métalliques et à en tirer des conclusions sur
l’existence d’une production locale contemporaine, à
en déinir les caractères, à approcher au plus près les
120
Fig. 27 – Dépôt de Cerisy-la-Salle (Manche) constitué de
345 objets pour la plupart fragmentés (cliché A. Verney,
Musée Baron Gérard, ville de Bayeux).
modalités de déplacement, d’échange et de «consommation» des biens métalliques. Ainsi, au-delà de l’analyse du simple phénomène que représente le «dépôt» à
l’âge du Bronze, l’étude du vestige métallique pris dans
sa globalité (sa forme, la matière dont il est constitué,
les traces d’utilisation ou de destruction dont il porte les
stigmates), permet d’appréhender une partie de l’organisation économique et sociale de l’âge du Bronze et du
premier âge du Fer.
Fig. 28 – Fouille du dépôt d’Agneaux (Manche) (cliché C. Marcigny, INRAP).
6.4 - Les autres mobiliers
Les parures, l’outillage et d’une manière générale les différents objets en matière osseuse, n’ont pas fait jusqu’à
aujourd’hui l’objet d’un travail de synthèse. Les terrains
de Basse-Normandie offrent pourtant l’opportunité, rare
dans le Nord-Ouest, de conserver l’os (en Bretagne et
Haute-Normandie les matières osseuses sont dans la
plupart des cas détruites par l’acidité des sols) et ce
type de matériau est souvent bien représenté sur les
sites à vocation domestique ou funéraire.
La parure est, par exemple, attestée par des canines
perforées et diverses pendeloques sur fragments d’os.
L’outillage, plus fréquent, est composé de poinçons,
d’aiguilles et le bois de cerf est utilisé pour la production
de gros outils (comme les pics par exemple). Un travail
reste à mener sur ce type de mobilier.
10
9
8
7
6
fouille
5
diagnostic
4
3
2
1
0
6.5 - Conclusions
La culture matérielle est encore un des axes de recherche important.
Il est inutile de revenir en détail sur l’étude du mobilier
céramique, l’importance de ce type de vestige a été mise
en évidence lors d’une étude préliminaire présentée au
Colloque du CTHS de Lille en 2000. Il faudra toutefois
insister, dans les prochaines années, sur les comparaisons extrarégionales et en particulier sur les parallèles
évidents avec les assemblages céramiques d’Angleterre
et des rives de la Mer du Nord (groupes de Drakenstein
et Hilversum entre autres).
Le mobilier lithique doit faire l’objet des mêmes attentions. Il paraît d’ailleurs important de sensibiliser les protohistoriens à ce type de matériau généralement délaissé des études et qui pourtant peut apporter un nouvel
éclairage (chronologique mais aussi ethnologique) quant
à l’étude des sites.
L’inventaire et l’étude du mobilier métallique font actuellement l’objet d’un réexamen suite à l’abandon de la thèse
d’A. Verney. Les chercheurs, anciennement réunis dans
le cadre du PCR, reprennent ce volet de la recherche
en développant les mêmes pistes de recherches que
pour les mobiliers céramiques et lithiques. Les particularismes régionaux et les différents phénomènes d’importation et/ou d’imitation sont mis en exergue dans
ce travail de manière à bien saisir dans le cadre de
l’analyse de la culture matérielle les relations entre les
différents groupes culturels de l’âge du Bronze. Il semble toutefois important de souligner à nouveau ici toute
la portée des dépôts métalliques dans ce volet de la
recherche régionale ; alors que chaque année un à cinq
dépôts sont découverts lors de fouilles non contrôlées
ou lors de travaux agricoles, le manque de fouille dans
ce domaine nuit à l’approche contextuelle de ce type de
découverte.
L’ensemble du mobilier osseux et/ou en matériaux périssables doit aussi faire l’objet d’un recensement exhaustif et d’une tentative de mise en phase au même
titre que les autres vestiges mobiliers.
7 – LE DOMAINE FUNERAIRE : PRATIQUES ET ARCHITECTURES
Dans le domaine funéraire, le nombre de sites découverts en Basse-Normandie est relativement important
par rapport aux régions limitrophes. Plusieurs centaines
de cercles sont connues par la prospection aérienne
(Desloges, 1994 ; Desloges et Flotté, 1996 ; Desloges, 1997, 1998 ; Desloges et Gigot, 1999 ; Desloges
2000 à 2003) et les travaux de prospections (Forfait et
San Juan, 1994 ; Leroux, 1999). En diagnostic ou en
fouille, si ce type de structure reste fréquent, les découvertes sont moins nombreuses (ig. 29 et 30).
À la in du IIIe millénaire, au début du Bronze ancien, les
contextes funéraires sont rares en Basse-Normandie si
l’on fait abstraction de la réutilisation des monuments
mégalithiques (comme à Passais-la-Conception, Orne ;
IIIe
millénaire
Bronze
ancien
Bronze
moyen
Bronze final
non daté
Fig. 29 - Nombre de sites funéraires découverts lors des diagnostics et fouilles
entre 1984 et 2004 (C. Marcigny, INRAP).
Chancerel, 1992b et c ou à Bretteville-en-Saire, Manche,
par exemple) et des tumulus de « traditions armoricaines » mis au jour au XIXe siècle (Briard et Verney, 1996).
En fait, seul le site de Bernières-sur-Mer (Calvados) fouillé
par Guy Verron en 1976, puis plus récemment par Cyril Marcigny (Giazzon et Marcigny, 2000 ; Marcigny et
Ghesquière, 2003a), a permis de fouiller des sépultures
de la in de la période campaniforme. Il s’agit pour la
première tranche de fouille de deux inhumations en fosses qui ont livré deux gobelets et un poignard en bronze
et pour la seconde opération de trois enclos circulaires
accompagnés de quatorze inhumations en pleine terre.
L’une d’entre elles a fait l’objet d’une datation 14C qui a
donné 3 665 ± 45 BP soit -2 195 à -1 918 av. J.-C.
(Lyon-2061 OxA).
Dans la deuxième moitié du Bronze ancien, les contextes funéraires sont plus nombreux (Marcigny, 2001a).
On distingue deux types de nécropoles. Les plus anciennes sont situées dans le Nord du département de la
Manche (Lande de Jobourg, Beaumont-Hague), il s’agit
de monuments en terre appartenant au même groupe
culturel que les tumulus armoricains de la deuxième
série (autour du XIXe s. av. notre ère, Briard, 1984).
Depuis 2007, un travail d’inventaire et de sondageS est
à nouveau mené dans ce secteur sur les monuments
funéraires par F. Delrieu.
Le second groupe prend en compte les nécropoles avec
enclos circulaire. On en connaît une petite dizaine dans
le Calvados :
- à Mondeville « MIR », une trentaine d’inhumations gravite autour de huit enclos circulaires de diamètres différents ; deux des tombes ont été datées par mesure de
14C. Elles situent l’utilisation de cette zone funéraire entre le XIXe et le XIIe siècle avant notre ère (Leroy, 1991 ;
Chancerel, Marcigny et Ghesquière, 2005) ;
- sur le même plateau de Mondeville-Grentheville, ce
sont sept enclos circulaires qui ont pu être identiiés
lors des nombreuses fouilles dans ce secteur (sur près
de 300 ha ; Desloges, 1991a et b), la plupart sont
isolés et dépourvus de sépulture. Seule la nécropole de
la Sente sort du lot avec quatre enclos circulaires gravitant autour d’un monument de forme allongée ;
- toujours dans la Plaine de Caen, mais plus au sud, la
nécropole d’Ifs a fait l’objet d’une fouille au début des
années 90 (documentation inédite). Les quatre cercles
identiiés lors de cette opération sont datés par 14C
entre les XIXe et XIIIe siècles avant notre ère. Il s’agit là
encore de monuments dépourvus de sépultures ;
- sur le littoral du Calvados, les monuments sont pour
l’instant plus rares. Toutefois à Bénouville, un cercle a
121
été fouillé récemment (Marcigny, 2001b ; Marcigny et
al., 2004). Autour et à l’intérieur d’un enclos funéraire,
sept tombes ont pu être explorées. Les mesures d’âge
nous placent chronologiquement entre les XVIIIe et XVe
siècles avant notre ère ;
- enin, complètement excentré par rapport aux monuments précédemment cités, le site d’Osmanville (Calvados) a permis l’observation en 1992 d’un cercle à
fossés concentriques qui a fourni lors de sa fouille une
urne typique du Bronze ancien d’après la chronologie
régionale (Dufour, 1992 ; Marcigny et al., 2005).
Au Bronze moyen/Bronze inal I, les nécropoles sont plus
rares. On dénombre toutefois une petite dizaine de sites répartis sur les trois départements bas-normands.
Dans le Calvados, des enclos circulaires ont été mis au
jour à Aubigny (cercle isolé ; Jahier et Peuchet, 1993),
à Ifs (cercle et inhumations, Jahier 1999a à c ; Le Goff,
2000), à Courseulles-sur-Mer (trois enclos circulaires et
deux incinérations dont une dans une urne cinéraire, Jahier 1997a et b), à Saint-Martin-de-Fontenay (un cercle
et deux incinérations en céramique ; Coulthard, 2003 ;
Germain-Vallée, 2006) et à Saint-Contest (quatre cercles et deux incinérations ; Allart, 2000 ; Ghesquière,
2001a). Dans la Manche, les seules nécropoles identiiées ont été explorées dans le Val de Saire à Tatihou (une
dizaine d’enclos et une urne en céramique ; Marcigny et
Ghesquière, 2003b) ou sur l’estran de Jonville à Réville
(système complexe associant enclos et incinération, dépouillement PCR). Pour ce dernier, il s’agit de plusieurs
coffres en pierres, protégeant des incinérations, placés
autour d’un probable « tumulus », le mobilier céramique
récolté sur ce site est similaire au corpus de Tatihou daté
du début de l’âge du Bronze moyen (Marcigny et Ghesquière, 2003b). Enin dans l’Orne, H. Lepaumier a découvert récemment deux enclos circulaires à Cerisé dont le
mobilier recueilli dans les fossés date du Bronze moyen/
Bronze inal I (il ne date toutefois pas le fonctionnement
du site funéraire mais une période de fréquentation du
site, Fournier, 2001 ; Lepaumier, 2002).
Pour la deuxième partie du Bronze inal, nous ne connaissons à l’heure actuelle qu’un seul site. À Soulangy (Calvados), I. Jahier a mis au jour une nécropole constituée
de deux enclos circulaires et trois sépultures adventices
(Jahier, 1992a) ; le mobilier récolté dans le fossé (avec
les mêmes problèmes de datations qu’à Cerisé) a livré
une hache à douille qui place le comblement du fossé
durant le début du premier âge du Fer (VIIIe-VIIe siècles
avant notre ère).
À côté de ces nombreux sites funéraires, à fréquentation courte, il existe de vastes nécropoles à occupation
plus longue. Ainsi à Ifs (Calvados ; Le Goff, 2000) ou
Agneaux (Manche ; Marcigny, 2000a ; Marcigny et al.
2000b ; Ghesquière 2001b ; Giazzon, 2003), les espaces sépulcraux ont été utilisés pendant une bonne
partie de l’âge du Bronze. Sur ce dernier site, une quinzaine d’enclos circulaires a été fouillée sur près de 4
ha (Ghesquière et al., 2000 ; Marcigny et al., 2004).
Leurs datations s’échelonnent du Bronze moyen (autour
du XVIe siècle av. notre ère) au Hallstatt ancien (autour
du VIIe siècle avant notre ère). Les contextes funéraires
Fig. 30 – Cartographie des enclos circulaires découverts en prospection aérienne et des sites funéraires fouillés entre 1984 et 2004 (DAO A. Ropars, MCC).
122
les plus anciens ont livré des urnes cinéraires en céramique et les plus récents des incinérations en pleine
terre situées au centre des enclos.
Bien entendu, cette vision des pratiques funéraires régionales est rapidement esquissée et à bien des égards
incomplète, mais elle présente l’intérêt d’être un premier effort de synthèse permettant une mise à plat des
données relevant du domaine funéraire. La recherche
doit se poursuivre pour préciser une histoire sans doute
plus complexe que supposée initialement, plusieurs sites ne trouvant pas encore leur place dans le schéma
chronologique actuel :
- dans le Calvados, Démouville (un enclos, info H. Lepaumier), Hérouvillette (un enclos, dépouillement PCR),
Monceaux-en-Bessin (un enclos, dépouillement PCR),
Carcagny (un enclos, Hérard, 1999a et 2002), SaintMartin-des-Entrées (un enclos, dépouillement PCR),
Grentheville « Trainecourt » (un enclos, dépouillement
PCR), Mondeville « ZI Est » (un enclos et trois inhumations, dépouillement PCR),
- dans la Manche, Saint-Lô (un enclos, Besnard-Vauterin, 2001),
- dans l’Orne, Neuville-près-Sées (un enclos, Langlois,
2003), Macé (deux enclos, Delahaye et Simon, 2003).
Conclusions
Dans le domaine du funéraire, tout est à faire. Les nombreux tumulus du Bronze ancien découverts dans les
départements de la Manche et de l’Orne n’ont jamais
fait l’objet d’un recensement exhaustif (trois monuments
recensés et partiellement étudiés : Loucé, Longues-surMer et Beaumont-Hague). Pour l’âge du Bronze moyen
et le Bronze inal, la plupart des monuments fouillés, depuis vingt ans, sont le fait de découvertes aléatoires dans
le cadre des fouilles préventives. La grande majorité de
ces structures funéraires ne fait généralement pas l’objet
d’une exploration à part entière (à part trois monuments
depuis 1984 : à Soulangy en 1991, à Cerisé en 2002 puis
à Saint-Martin-de-Fontenay en 2004) ; ils sont « gérés »
pendant la phase diagnostic ou bien ils ne font pas l’objet
de prescriptions complémentaires lorsqu’ils sont découverts en fouille sur des sites relevant d’autres périodes
chronologiques (à l’exception des sites d’Ifs « Object’Ifs
sud » et Agneaux « Bellevue »). L’absence d’une véritable
programmation sur les sites funéraires commence véritablement à se faire sentir alors que les gisements sont
nombreux à être découverts tant en fouilles préventives
qu’en prospection aérienne. Cette partie de la recherche
régionale mérite un véritable effort de synthèse (données
anthropologiques, typologie des monuments, …) ; ces
données devront ensuite être mises en valeur par le biais
de la répartition géographique (SIG), pour bien comprendre l’implantation des zones funéraires.
8 – ENVIRONNEMENT ET PAYSAGES
Ce volet de la recherche régionale en est à ses balbutiements malgré les premiers travaux menés par M.
Clet-Pellerin depuis les années 70. Les enquêtes sur les
paléoenvironnements continentaux holocènes ont été
relancées en Basse-Normandie au cours de ces dernières années grâce à plusieurs programmes : « Les paléoenvironnements holocènes de la vallée de la Mue »,
2001-2003 ; « La basse vallée de la Dives, dynamique
des paysages et peuplements », 2004-2005 ; PCR « Archéologie, histoire et anthropologie de la presqu’île de
La Hague (Manche) », 2004-2005 ; ACI Jeunes Chercheurs « Gestion de l’eau et dynamique des paysages du
Néolithique à nos jours, études des basses vallées côtières dans le Nord-Ouest de la France », 2004-2006.
Ain de répondre aux questions posées par les recherches
archéologiques et surtout de palier la faiblesse des données bien calées chronologiquement à l’échelon régional,
ces recherches paléoenvironnementales s’appuient plus
particulièrement sur l’étude de basses vallées littorales
dont le potentiel était connu mais qui avaient encore été
peu exploitées. Trois secteurs d’étude ont ainsi fait l’objet
de campagnes de sondages depuis l’année 2001 :
- les petits bassins versants côtiers de la presqu’île de la
Hague au Nord-Ouest du Cotentin (Manche) qui appartiennent au Massif armoricain ;
- la basse vallée de la Seulles (Calvados) et ses derniers
afluents de rive droite (Mue, Thue) qui s’encaissent
dans les plateaux calcaires du Bessin et de la plaine de
Caen, terminaison occidentale du Bassin parisien ;
- la basse vallée de la Dives (Calvados) qui s’écoule entre
le pays d’Auge à l’Est et la Plaine de Caen à l’Ouest.
Bien qu’une grande partie des analyses chronostratigraphiques, sédimentologiques et palynologiques soit
encore en cours, il est possible de dresser un premier
bilan des données concernant l’âge du Bronze.
8.1 - L’évolution de la végétation
Les études palynologiques s’appuient sur quatre sondages, de 2,5 à 6 m de profondeur, réalisés à la sonde
dans des formations tourbeuses : deux dans la basse
vallée de la Dives sur un transect Troarn/Saint-Samson,
un sur la tourbe d’estran de l’Anse Saint-Martin, sur
la côte nord de La Hague, un dans la vallée de la Mue
au pied de l’éperon de Basly. Les échantillons ont été
prélevés selon une maille de 5 à 10 cm. Le contrôle
chronologique est assuré par des datations radiocarbones conventionnelles établies au Centre d’Études Nordiques à Québec (Canada), au Laboratoire des Sciences
du Climat et de l’Environnement à Gif-sur-Yvette et des
datations AMS à l’Institut de Physique d’Erlangen (Allemagne) calibrées à deux écarts types. Les diagrammes
polliniques obtenus donnent des informations sur la dynamique des paysages végétaux du Néolithique inal à
l’époque médiévale. La partie concernant le Néolithique
et l’âge du Bronze a été soulignée en prenant comme
limite les datations radiocarbones les plus proches.
Au cours du Bronze moyen, les traces d’anthropisation
sont visibles dans les trois secteurs étudiés et se traduisent par des traces de culture de céréales (Cerealia) accompagnées du développement des plantes messicoles et
rudérales. Elles sont liées, à La Hague (Anse Saint-Martin,
SM 60) et sur les marges de la vallée de la Dives (SaintSamson, S0bis), au développement des landes à fougère
aigle et des espaces pâturés (Lespez et al., 2005). Cependant, le recul du couvert forestier sous l’action des activités agro-pastorales reste modéré à l’Anse Saint-Martin
et dans la vallée de la Dives comme le montre le maintien
des taux de grains de pollens arboréens à des valeurs
d’au moins 60 %. Cette observation vaut aussi bien pour
les zones humides où l’aulne (30 - 40 %) ne se maintient
que sur les versants et les plateaux environnants où les
chênes (10 - 20 %) et les noisetiers (5 - 10 %) occupent
vraisemblablement toujours une place importante (Lespez
et al., 2005). Néanmoins dans la vallée de la Mue, les
grains de pollens d’arbres ne représentent que 20 %.
L’importance des plantes des marais, dont les Cyperaceae (10 %), témoigne d’un fond de vallée humide limitant le développement des aulnes. Mais l’importance des
fougères et des prairiales témoigne peut-être d’actions
anthropiques locales aux dépens du couvert forestier du
fond de vallée (aulnes, 5 % environ) et des versants et
plateaux environnants (chênes 10 % ; noisetiers de 15 à
5 %) (Lespez et al., à paraître).
123
Cette situation ne montre pas de changement fondamental par rapport au Néolithique inal. Le passage du
Néolithique inal à l’âge du Bronze puis au Bronze moyen
ne semble ni caractérisé par une déprise (reprise du
couvert forestier, diminution des indices d’anthropisation) ni par une accentuation nette de l’emprise rurale.
Pour tous les sites étudiés, le Bronze moyen se situe
donc dans le cadre de la continuité des dynamiques
amorcées dès la in du Néolithique et il faudra attendre
l’âge du Fer et plus particulièrement la période de La
Tène pour observer une véritable transformation des
paysages sous l’action des sociétés agro-pastorales.
Ces observations apparaissent cohérentes avec les données disponibles en Normandie. Généralement, dès le
début du Subboréal, les paysages jusqu’alors très boisés deviennent de plus en plus ouverts (Elhaï, 1963 ;
Huault, 1977) et les indices d’anthropisation apparaissent ponctuellement (Clet-Pellerin, 1985, 1986 ; Billard
et al., 1995). Les rares données disponibles hors des
fonds de vallées, dans les paléosols, suggèrent peutêtre des environnements plus ouverts sur les plateaux
comme à Vierville (Manche) par exemple, où la forte
présence des fougères puis des traces d’élevage et de
culture a été enregistrée dès le Néolithique, mais les
observations de ce type sont encore trop rares pour
conclure (Clet-Pellerin, 1986).
Au-delà, les situations sont plus contrastées et les recherches récentes sur les espaces voisins font état de
dynamiques différentes. Vers l’Est, dans la vallée de la
Seine, l’action des sociétés sur le couvert végétal semble généralement plus tardive. À partir d’une synthèse
bibliographique et de recherches récentes, D. Sebag
(2002) conclut que l’impact anthropique ne se fait véritablement sentir qu’après 3 000 BP (1 200 av. J.-C.),
même si localement à Heurteauville (Seine-Maritime)
des inluences anthropiques (défrichement, présence
de plantes cultivées) ont été mises en évidence dès le
Néolithique inal (4 400 BP soit 3 000 av. J.-C. ; Huault,
1986). Mais les milieux enregistreurs utilisés, qui sont
de vastes zones humides au fond d’une large vallée dominée par de hauts versants, relètent sans doute mal
les dynamiques de la végétation des plateaux et ne permettent pas d’étendre les conclusions aux plateaux sédimentaires hauts-normands.
Au Sud de la Basse-Normandie, dans le Bas-Maine, les
recherches de D. Barbier (1999) font également apparaître une inluence tardive des pratiques agro-pastorales sur les paysages végétaux. Au cours du Néolithique
inal, des signes de défrichements localisés accompagnés des premières traces d’activités agro-pastorales
(culture, pacage en sous-bois) sont détectés, mais avec
un taux de grains de pollens arboréens avoisinant pratiquement 90 %, c’est l’image d’un paysage densément
boisé qui domine. Au cours de l’âge du Bronze, la situation ne change guère et c’est plutôt « la sensation de
régression globale des activités agro-pastorales » qui
l’emporte (Barbier, 1999, p. 248).
La situation semble profondément différente vers le SudOuest et l’Ouest. Dans le monde breton, les recherches
de M.-T. Morzadec-Kerfourn (1976) et D. Marguerie
(1992) ont montré que l’ouverture des paysages forestiers se généralise à partir du Bronze moyen sur tous
les littoraux alors que les premiers grains de pollens de
céréales apparaissent dans les tourbières. Cela a également été mis en évidence par J. Campbell (2000) dans
les Îles anglo-normandes. La situation semble différente
à l’intérieur de la Bretagne où les milieux sont moins
fortement et plus tardivement anthropisés que sur le
littoral (Marguerie, 1992).
124
Du point de vue de l’évolution du couvert végétal au cours
du Bronze moyen, les données disponibles aujourd’hui
pour la Normandie côtière indiquent peut-être une situation intermédiaire entre, d’un côté, la frange littorale
et insulaire bretonne ou le centre du Bassin de Paris
(Leroyer, 1997) où les paysages végétaux sont déjà fortement marqués par les activités agro-pastorales et, de
l’autre, les espaces armoricains intérieurs ou le grand
corridor luvial que constitue la vallée de la Seine où la
persistance d’une végétation forestière dense est observée malgré des signes ponctuels d’anthropisation.
Mais les données palynologiques bien calées chronologiquement, trop peu nombreuses en Normandie, ne permettent pas encore d’élaborer une synthèse régionale
(Leroyer et Allenet, 2005) et nécessitent de nouvelles
recherches.
8.2 - L’évolution géomorphologique et la question de
l’érosion des sols
Les recherches géomorphologiques ont pour objectif de
mettre en évidence les phases de détritisme et de discuter du rôle des luctuations climatiques et de l’action des
activités agro-pastorales dans leur mise en place. Elles s’appuient sur des transects répartis régulièrement
dans les fonds de vallées et les plaines littorales ain de
tenir compte des variations latérales et des évolutions
longitudinales, d’amont en aval, de la sédimentation
(Lespez et al., 2004 ; Lespez et al., à paraître).
Dans les trois espaces étudiés, les indices d’une sédimentation détritique étendue et généralisée sont tardifs
et manifestes à partir de 2 500 - 1 700 BP : après
2 420 ± 40 (762 - 398 av. J.-C.) dans la vallée de la
Mue (Calvados ; Lespez et al., soumis) ; après 1 749 ±
59 BP (133 - 409 ap. J.-C.) dans la basse vallée de la
Dives et sans doute un peu plus précocement dans la
vallée du Laizon, avant-dernier afluent de la rive gauche
de la Dives (Calvados ; Germain-Vallée, Lespez, 2005);
après 1 720 ± 90 BP (84 - 539 ap. J.-C.) dans l’Anse
Saint-Martin (Manche ; Lespez et al., 2004). Il semble
donc que pour l’essentiel, l’érosion des sols libérant
des sédiments et entraînant le colmatage des fonds
de vallées par des sables luviatiles et des limons de
débordements soit historique.
Néanmoins, localement les attestations de « pulsations »
détritiques antérieures existent. Dans la plaine littorale de
l’Anse Saint-Martin, la sédimentation organique des milieux de bas-marais qui s’amorce à partir de 4 500 - 4
100 BP s’accompagne d’apports détritiques réguliers qui
témoignent d’une accentuation des lux solides dès le Néolithique inal (Lespez et al., 2004). Dans la partie orientale
de la plaine littorale, le processus se poursuit tout au long
de l’âge du Bronze. La sédimentation organique devient
de plus en plus détritique, indiquant des apports luviatiles
responsables de la construction d’un petit cône alluvial
entraînant l’atterrissement déinitif des milieux palustres
au cours des deux derniers millénaires. Dans la vallée de
la Mue, la première passée détritique identiiée qui vient
interrompre une sédimentation principalement organique
est datée juste après 3 300 ± 40 BP (1 686 - 1 462 BC)
à Thaon et 3 245 ± 45 BP (1 676 - 1 429 BC) à Fontaine-Henry. Il est encore aujourd’hui dificile d’attribuer aux
activités anthropiques et/ou à la phase humide contemporaine de Pluvis un rôle déterminant dans sa mise en
place. Dans la vallée du Laizon, alors que la troncature
des sols bruns lessivés se développe dès le Néolithique
inal (Camuzard, 2000), la première phase de sédimentation détritique généralisée débute également avec l’âge du
Bronze (Germain-Vallée, Lespez, 2005)
Sur les sites étudiés, l’âge du Bronze constitue donc une
phase de transition entre des séquences où les apports
détritiques apparaissent relativement peu développés et où
domine une sédimentation organique tourbeuse ou carbonatée tufacée (Mésolithique, Néolithique ancien et moyen)
et des séquences qui se mettent en place entre l’âge du
Fer et le Haut Moyen-Âge où les apports détritiques dominent les bilans sédimentaires. L’action des sociétés du
Néolithique inal et de l’âge du Bronze ne doit pas avoir été
indifférente à la transition observée mais le manque de résultats ne permet pas d’aller plus avant dans la discussion
sur le rôle respectif des actions humaines et des variations
climatiques dans la genèse des séquences détritiques observées.
Le peu de recherches entreprises sur les dynamiques
sédimentaires holocènes des fonds de vallées de l’Ouest
de la France limite les comparaisons. Dans le monde armoricain, la dégradation progressive des sols mis à nu du
fait des défrichements a été mise en évidence dès le Néolithique (Gebhardt, 1990) mais les données manquent
pour faire le lien avec les enregistrements sédimentaires
alluviaux. Dans la basse vallée de la Seine, à partir de
l’âge du Bronze, l’augmentation de la fraction détritique
dans les sédimentations organiques de la plaine alluviale
témoigne du développement des atterrissements détritiques. Cette évolution se généralise à partir de 3 500 BP
(1 900 av. J.-C.) (Sebag, 2002). Cependant, il s’avère dificile de départ ager les contributions locales de celles de
l’amont du bassin versant faute de données publiées sur
l’évolution des fonds de vallées hauts-normands. Mais les
nombreuses recherches entreprises dans le centre du
Bassin de Paris par J.-F. Pastre et al. (2003) montrent
que la période 3 500 - 3000 BP s’est traduite presque partout par une forte recrudescence des apports
limoneux en relation avec une inluence déterminante des
activités agricoles et une forte activité hydrodynamique
(phase humide de Pluvis).
Comme pour l’évolution de la couverture végétale, les
données disponibles apparaissent insufisantes et devront
être complétées par de nouvelles recherches qui seront
confrontées avec les résultats anthracologiques et carpologiques obtenus sur les sites fouillés. Ce n’est qu’alors que
pourront s’engager des discussions paléoéthnographiques
plus précises sur les modalités d’implantations des occupations humaines et leur relation avec l’environnement.
8.3 - Conclusions
Même si l’articulation entre les données archéologiques
et paléoenvironnementales en est encore à ses premiers
pas, on peut d’ores et déjà dégager, dans ses (très) grandes lignes, le (ou les) mode(s) d’occupation du territoire
normand pendant l’âge du Bronze.
La période comprise entre les XVIIe et XIVe siècles av. J.-C.
semble correspondre plutôt à une légère augmentation
de l’emprise humaine sur certains milieux (on pense en
particulier à la frange littorale et à la Plaine de Caen) et un
changement fondamental dans le mode d’exploitation de
l’environnement (fermes associées à des « parcellaires »).
Cette plus forte emprise correspond visiblement à une
lente évolution des populations sur place et à une volonté
de gérer différemment le paysage. Les hommes se sont
rassemblés, à cette époque, autour de projets communs,
comme par exemple la création de parcellaires, ain sans
doute d’optimiser l’utilisation des terres agricoles (meilleur
drainage des terres, amendement des sols, ...). Ces changements ne se font cependant pas sentir à l’ensemble de
l’échelle régionale et ils n’affectent pas profondément les
paysages de fonds de vallées, comme l'attestent les enregistrements paléoenvironnementaux étudiés. Par ailleurs,
la question du rôle des changements climatiques intervenus entre 3 500 et 3 000 BP dans la transformation
des pratiques agraires reste posée. Ces fonds de vallées
continueront d’être employés jusqu’aux XIIe et XIe siècles
avant notre ère, période après laquelle les « parcellaires »
et de nombreux sites vont être abandonnés.
La poursuite des travaux engagés en Normandie, depuis
maintenant quelques années (autour des fouilles et programmes de recherche), a pour objectif d’explorer ces
pistes de recherche en multipliant les interrogations
croisées entre résultats archéologiques et données environnementales ain d’améliorer notre compréhension
des interactions sociétés/environnements. Les données
restent en effet encore trop lacunaires et ce type de programme mérite d’être pleinement soutenu. Il est aussi
très important de sensibiliser les acteurs de la recherche
régionale à ce type d’approche, les protocoles de prélèvements et d’analyses méritent d’être mieux explicités dans
les cahiers des charges (nous pensons ici aux fouilles préventives).
9 – PISTES POUR UNE PROGRAMMATION
En termes de bilan, les résultats acquis ces vingt dernières années semblent conséquents. Ils résultent d’une série de recherches successives marquées par des temps
forts comme les fouilles programmées sur des sites
emblématiques de la région (fouille du Hague Dike, plus
récemment fouille à Tatihou), les opérations préventives
sur de grandes surfaces (opération de la Plaine de Caen
ou les tracés routiers) ou la mise en chantier du PCR
sur l’âge du Bronze en Basse-Normandie entre 1999 et
2003.
Durant ces vingt ans, des précisions notables ont été apportées sur la typo-chronologie des mobiliers céramiques
et lithiques et de manière générale sur la chronologie de
l’âge du Bronze régional. L’habitat et le mode d’occupation
de l’espace sont aussi mieux connus bien que de nombreuses questions restent en suspens. Toutes ces évolutions de la recherche ont fait l’objet de nombreuses publications (monographies de sites ou travaux de synthèse).
Ce tour d’horizon et ce bilan des résultats ne doivent toutefois pas masquer les profondes lacunes de la recherche régionale. Les sources documentaires mises à notre
disposition et sur lesquelles reposent les synthèses sur la
culture matérielle et l’habitat sont particulièrement disparates et peu abondantes (moins d’un site par an sur les
vingt années du bilan). L’étude de nouveaux sites, dont le
but est d’élargir la valeur statistique de notre fond documentaire, est donc impérative. Ces fouilles qui concerneront principalement l’archéologie préventive, et donc
les grandes zones d’aménagements, doivent se combiner avec la fouille de gisements en programmé dans des
secteurs géographiques dit marginaux hors des bassins
économiques régionaux.
L’ensemble des opérations archéologiques doit aussi être
compris à d’autres échelles d’analyses (géographiques et
temporelles) et doit aboutir à une programmation reposant sur des thèmes transversaux permettant à terme
une lecture sur la longue durée loin des cloisonnements
chronologiques imposés par ce type de bilan.
À l’échelle du site, la détection et la caractérisation des
établissements protohistoriques doivent faire l’objet d’une
mise à plat méthodologique permettant de déinir les
mesures concrètes à prendre sur le terrain pour une
meilleure interprétation des gisements lors de la phase
diagnostic (déclenchement d’une phase d’évaluation à
partir d’indices ténus, par exemple). Cet aspect méthodologique du travail est une des conditions nécessaires
pour l’acquisition d’échantillons archéologiques représentatifs : plus grande prise en compte des sites ouverts,
meilleure détection des contextes funéraires et en particulier des zones à incinération …
125
Lors de la fouille d’un site, sur une emprise de petite ou
moyenne surface, un protocole d’étude commun à la région doit aussi être mis sur pied pour aboutir à une approche archéologique globale comparable d’un gisement
à l’autre. Établir des normes pour la réalisation de la
fouille (en gardant bien entendu une relative souplesse)
et une check-list des études à mener, dans le cadre d’un
cahier des charges complet, est une solution pour que
soient engagés les moyens nécessaires à la compréhension des occupations (études connexes, datations,
protocoles de prélèvement …).
Les fouilles sur de grandes surfaces sont aussi à privilégier ; replacer les sites dans leur contexte environnemental et humain en dépassant les strictes limites de
l’occupation principale reste une condition de la lecture
et de l’interprétation des établissements domestiques ou
funéraires.
À un autre niveau d’approche, à une autre échelle, il est
temps de passer d’une « culture de site » réalisée par un
individu à une échelle plus régionale ou micro-régionale
(seul cadre géographique permettant des comparaisons
avec d’autres régions d’Europe) dans le cadre de programmes de recherche collectifs et inter-institutionnels
associant archéologues et spécialistes du paléoenvironnement. La mise en commun sur des zones échantillons (sufisamment diversiiées) d’une grande partie
des moyens de détection et d’analyse devrait permettre
d’acquérir plus rapidement de véritable corpus de sites
représentatifs (aires d’approvisionnement, occupations
domestiques, contextes funéraires, …) et ainsi proposer des schémas d’organisation sociale reposant sur les
réseaux de site (fonction, hiérarchie, densité, …).
Ces considérations sont essentielles pour dépasser notre vision actuelle de l’âge du Bronze régional, étriquée
et cantonnée à un examen ponctuel site à site, et pour
tenter de comprendre les modalités de l’occupation du
sol dans une perspective ethnologique et historiographique en prenant en compte les variables spatiales et
chronologiques. Loin de ces rélexions scientiiques, un
tel travail devrait aussi permettre à terme d’aboutir à
une archéologie dite « prédictive »
Bien entendu, une telle programmation, qui ferait la part
belle aux approches multiscalaires et à la lecture des réseaux sociaux dans leur dynamique évolutive, nécessite
la mise en place d’un véritable pôle de recherche régional regroupant l’équipe locale et déinissant, en concertation, des projets depuis la détection des sites jusqu’à
leur exploitation dans le cadre de synthèses. Les UMR
(6566-C2A ou 7042 ArScAn) ont peut-être un rôle à
jouer à ce niveau de la programmation.
Enin, et pour clôturer ce bilan, il n’est pas inutile de revenir sur le déicit des formations diplomantes au niveau
régional pour la protohistoire. Le rôle de l’Université de
Caen doit être réafirmé et son champ chronologique
étendu aux périodes anciennes.
2004 - 2010
Le texte de ce bilan a été rédigé en 2005. Il s’agissait
selon le cahier des charges strict établi par le Ministère
de la Culture de proposer un retour sur expérience sur
une période de vingt ans comprise entre 1984 et 2004.
Ces deux décennies ont vu l’archéologie se professionnaliser conjointement à une plus grande prise en compte
des archives du sol dans l’aménagement du territoire.
Elles ont aussi vu la création de l’Inrap et la « montée en
puissance » du Service archéologique du Conseil général
du Calvados ; en fait autant d’éléments qui ont participé
à la mise en place entre 2000 et 2003 d’une politique
de recherche régionale sur la protohistoire ancienne et
d’une véritable synergie entre les différents chercheurs
régionaux. Les nombreux articles et ouvrages qui sont
parus dans la dernière décennie sont l’illustration parfaite
de l’eficience de l’équipe régionale lorsqu’elle se regroupe sur des programmes communs, qu’ils soient issus de
l’archéologie préventive ou de l’archéologie programmée.
La in de cette période a été soldée par l’ouverture à la
concurrence du secteur de l’archéologie préventive à la
in de l’année 2003 et par le sentiment justiié de déiance qui a accompagné cette privatisation de l’activité
scientiique.
Aujourd’hui, et depuis 2004, les choses ont changé. Les
programmes centrés sur l’âge du Bronze n’ont pas eu
de suite à l’échelle régionale, les fouilles se sont poursuivies mais restent très minoritaires comparées aux autres
périodes, enin la présence de nouveaux opérateurs en
126
archéologie préventive et la concurrence entre ces entreprises rend la circulation des informations plus délicate,
voire absconse ou non-souhaitée. Bien entendu l’activité
de recherche programmée s’est poursuivie, efleurant
bien souvent le champ chronologique compris entre la in
du IIIe millénaire et le début du 1er âge du Fer : PCR sur
les aménagements littoraux conduits par C. Billard avec
l’étude de la pêcherie de Saint-Jean-Le-Thomas, PCR
sur les sites de hauteur sous la direction conjointe de F.
Delrieu et P. Giraud (sondage sur des éperons datés de
la in du Bronze inal), PCR sur l’étude du territoire de la
Hague coordonné par C. Marcigny (sondage sur le Hague
Dike, fouilles et sondages sur des tumulus) et reprise des
fouilles à Basly par G. San Juan. Les données acquises
depuis 2004 sont donc relativement importantes mais
leur lux n’est plus canalisé pour répondre aux problématiques élaborées sur la protohistoire ancienne lors de
la période d’activité du PCR « âge du Bronze ». La production scientiique s’en trouve sensiblement inléchie et
ne laisse plus la part belle aux articles de synthèse pour
revenir à des présentations site à site exact relet de la
déstructuration de la synergie mise en place entre 2000
et 2003 et de l’activité de recherche qui n’est plus traitée
à large échelle et s’est recentrée au niveau de l’analyse
du site archéologique.
Les propositions faites en conclusion dans le cadre de
ce bilan restent donc toujours d’actualité cinq ans après
leur rédaction.
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la Culture et de la Communication, Direction du Patrimoine, Sous-direction à l'archéologie ed., 2004, p. 78.
Vilgrain et al. 1989 : VILGRAIN (G.), CHANCEREL
(A.), COUTARD (J.-P.), OZOUF (J.-C.) - Le tumulus de la
Fosse-Yvon à Beaumont-Hague, Revue Archéologique de
l’Ouest, 6, p. 93-104.
139
LISTE DES DATATIONS C14 DE L’ÂGE DU BRONZE
Département du Calvados
Basly « La Campagne » (éperon barré, fouille de G. San Juan)
Ly-11428 : 2530 +/- 30 BP
Ly-11429 : 2470 +/- 35 BP
Bénouville « Les Hautes Coutures » (nécropoles, fouille de C. Marcigny)
Ly-11865 : 3370 +/- 35 BP (sep. 1)
Ly-2251 (Poz) : 2975 +/- 40 BP (sep. 2)
Ly-2252 (Poz) : 3485 +/- 40 BP (sep. 3)
Bernières-sur-Mer « Le Grand Parc » (parcellaire et nécropoles, fouille de C. Marcigny)
Ly-1391(OXA-10515) : 3665 +/- 45 BP
Ly-2061(OXA) : 2790 +/- 30 BP
Biéville-Beuville « Berlioz » (habitat, fouille de J.Cl. Routier)
Ly-1485(GRA-18339) : 3350 +/- 50 BP
Bretteville-Le-Rabet « le Camp Dollent » (minière de silex, fouille de J. Desloges)
Gif-10183 : 3270 +/- 70 BP
Gif-10184 : 3675 +/- 60 BP
Bretteville-Le-Rabet « la Fordelle » (minière de silex, fouille de J. Desloges)
Gif-10182 : 3670 +/- 60 BP
Gif-10194 : 3610 +/- 70 BP
Gif-10195 : 4010 +/- 70 BP
Gif-10196 : 3240 +/- 70 BP
Gif-10197 : 3810 +/- 80 BP
Caen « Château » (sépulture, fouille M. de Boüard)
LY-1986 : 3030 +/- 450 BP
Cagny (Ring Fort, fouille de J. Desloges)
Gif-10185 : 2340 +/- 40 BP
Cagny Cahagnes « Benneville» » (habitat, fouille de I. Jahier)
Gif-10726 : 3070 +/- 90 BP
Gif-10727 : 2470 +/- 80 BP
Cairon « rue Mac Mahon» (four, diagnostic C.C. Besnard-Vauterin)
Ly-13620: 2595 +/- 40 BP
Condé-sur-Ifs « Bruyère du Hamel, St. 9 » (habitat, fouille de J.L. Dron)
Gif-11600 : 2715 +/- 35 BP
Courseulles-sur-Mer « La Fosse Touzé » (nécropole, St. 1548, fouille de I. Jahier)
Gr-A-19558 : 3030 +/- 45 BP
Cussy « La Pointe » (habitat, fouille de C. Marcigny)
Ly-8454 : 2415 +/- 140 BP
Dives-sur-Mer (tourbe, sondage L. Lespez)
Erl-6462 : 3190+/-55 BP
Fleury-sur-Orne « Parc d’Activité » (habitat, fouille de I. Jahier et C. Billard)
Ly-11864 : 3795 +/- 45 BP
Fontaine Henry (limons organiques et tourbes, sondage L. Lespez)
Gif-11711 : 3245+/-40 BP
Gif-11868 : 3150+/-45 BP
Gif-11866 : 3000+/-60 BP
Giberville « rue de l’église » (sépulture dans habitat, fouille C.C. Besnard-Vauterin)
Ly-13499: 3585 +/- 40 BP
Ifs « Le Hoguet » (nécropole, fouille de J. Desloges)
Ly-1118(OXA) : 3490 +/- 50 BP
Ly-11181(GRA-15932) : 3040 +/- 50 BP
Ifs « Object’Ifs sud » (nécropole, fouille de E. Le Goff)
GrN-26985 : 3150 +/- 70 BP (tombe 1099, groupe 19 autour du cercle 1242)
GrN-26986 : 2870 +/- 60 BP (tombe 1871, groupe 25 autour du cercle 1827)
GrN-26987 : 2900 +/- 50 BP (tombe 3006)
GrN-26988 : 2970 +/- 50 BP (tombe 3007)
Mondeville « L’Étoile » (habitat, fouille de C.C. Besnard-Vauterin)
Gif-10841 : 2865 +/- 60 BP
Gif-10842 : 2980 +/- 60 BP
140
Mondeville « MIR » (habitat, fouille de D. Leroy)
Gif-10839: 2850 +/- 55 BP
Mondeville « MIR » (nécropole, fouille de D. Leroy)
Gif-9194: 3420 +/- 55 BP
Gif-9195: 3080 +/- 60 BP
Mondeville/Grentheville « ZI Sud » (habitat, fouille de A. Chancerel et G. San Juan)
Gif-10838 : 3020 +/- 50 BP
Gif-10843 : 2810 +/- 60 BP
Nonant « La Bergerie » (habitat, fouille de C. Marcigny)
Ly-9722 : 3165 +/- 30 BP
Ly-1152(OXA) : 3090 +/- 65 BP
Thaon « Éléazar » (habitat, sondage de A. Chancerel et G. San Juan)
Gif-10187 : 3060 +/- 60 BP
Thaon « colonie » (niveau d’argile tourbeuse, sondage de L. Lespez)
Gif-11714 : 3300+/-40 BP
Saint-Contest « L’Ormelet » (nécropole, fouille de E. Allart et E. Ghesquière)
Ly-11155 : 2765 +/- 55 BP
Saint-Contest « L’Ormelet » (habitat et incinérations, fouille de E. Ghesquière)
Ly-11154 : 3830 +/- 35 BP
Ly-11157 : 3425 +/- 80 BP
Ly-11158 : 3225 +/- 80 BP
Soumont-Saint-Quentin « Les Longrais » (habitat ? et minière de silex, fouille de B. Édeine)
Gif-2316 : 3350 +/- 150 BP
Gif-2317 : 3370 +/- 150 BP
Gif-2320 : 2610 +/- 150 BP
Gif-2321 : 3990 +/- 140 BP
Gif-2323 : 4030 +/- 150 BP
Vaux-sur-Seulles « raccordement D126 et RN13 » (habitat, fouille de E. Ghesquière)
Ly-10940 : 2750 +/- 55 BP
Département de la Manche
Agneaux « Bellevue » (habitat et nécropole, fouille de C. Marcigny et D. Giazzon)
Ly-10534 : 3250 +/- 40 BP
Ly-10535 : 3775 +/- 35 BP
Ly-10536 : 2865 +/- 60 BP
Ly-10537 : 2545 +/- 45 BP
Ly-10538 : 3175 +/- 35 BP
Ly-10540 : 2505 +/- 30 BP
Ly-12175: 3005 +/- 55 BP (St. 271)
Beaumont-Hague « Hague Dike » (fouille de A. Huet puis C. Marcigny)
Ly-12481 : 2875 +/- 35 BP
Ly-12764 : 2705 +/- 40 BP
Beslon « Trinité » (fouille F. Convertini)
3425 +/- 115 BP
3510 +/- 70 BP
Braffais « A84 » (habitat, fouille de V. Grégoire)
Ly-1484(GRA-18338) : 2990 +/- 50 BP
Bricqueville-la-Blouette « Hameau des Champs » (enclos circulaire, fouille de D. Flotté)
Ly-3385(OxA) : 3305 +/- 35 BP
Fermanville « Anse de Tocqueboeuf» (fouille de C. Billard)
Ly-12176 : 5140 +/- 45 BP
Flamanville « Le Castel » (éperon barré, fouille de B. Édeine)
Ly-83 : 2660 +/- 220 BP
Ly-10543 : 2715 +/- 30 BP
Guilberville « Le Domaigne » (habitat, fouille de E. Ghesquière)
Ly-9825 : 2960 +/- 30 BP
Ly-9826 : 3065 +/- 40 BP
Ly-9827 : 3395 +/- 55 BP
Ly-9828 : 2030 +/- 35 BP
Ly-9829 : 3285 +/- 45 BP
141
Guilberville « La Granchette » (habitat et inci., fouille de E. Ghesquière)
LY-9476 : 3804 +/- 36 BP (silo)
LY-9473 : 3036 +/- 32 BP (inci)
LY-9475 : 2453 +/- 31 BP (silo)
LY-9477 : 2195 +/- 51 BP (tp)
Lingreville/Bricqueville « Le Havre de la Vanlée» (habitat, sondage de C. Billard)
Gif-2862: 3880 +/- 100 BP
Gif-3917: 3660 +/- 110 BP
Ly-5228 : 3100 +/- 60 BP
Ly-5229 : 3280 +/- 65 BP
Ly-5230 : 3015 +/- 75 BP
Ly-5838 : 3250 +/- 50 BP
Ly-12177: 3445 +/- 40 BP
Marchésieux « Marais de Saint-Clair » (dépôt de haches à douille, fouille de G. Verron)
Ly-2676 : 2470O
Omonville-la-Petite « La Jupinerie
Ly-10824 : 2840 +/- 35
Ly-12790 : 3980 +/- 65
Ly-12792 : 3395 +/- 65
Ly-12789 : 2665 +/- 75
Ly-12791 : 2915 +/- 60
Ly-3436(GrA) : 3940 +/-
» (habitat en grotte, fouille de C. Marcigny)
BP
BP
BP
BP
BP
30 BP
Omonville-la-Petite « Anse Saint-Martin » (limons organiques, sondage L. Lespez)
UL-2364 : 3560+/-100 Bp
Ly-3441(GrA) : 3515+/-35 BP M4, ensemble 3a (charbon)
Ly-3437(GrA) : 3840+/-35 BP M6, ensemble 3b (charbon)
Ly-3442(GrA) : 3775+/-35 BP L4, ensemble 3b (charbon)
Ly-3435(GrA) : 3750+/-35 BP M6, ensemble 3b (charbon)
Saint-Jean-Le-Thomas « plage » (« pêcherie », prospec. A. L’Homer, fouille C. Billard)
Gif-2903 : 3440 +/- 110 BP
Ly-12462: 3750 +/- 40 BP
Ly-12463: 3615 +/- 35 BP
Saint-Lô « Le Petit Candol » (habitat, fouille de C. Marcigny)
Ly-1430(OXA) : 3280 +/- 40 BP
Saint-Lô-d’Ourville « Dunes de Lindberg » (concassage lithique, prospection)
GrA-22913 (Lyon-2109) : 3650 +/- 40 BP
Ly-13901 : 3785+/-40 BP
Ly-13090 : 3690 +/-40 BP
Saint-Vaast-la-Hougue « Île Tatihou » (parcellaire et habitat, fouille de C. Marcigny)
Ly-442(OXA) : 3200 +/- 40 BP
Ly-443(OXA) : 3105 +/- 40 BP
Ly-969(OXA) : 3440 +/- 60 BP
Ly-8138 : 3880 +/- 45 BP
Ly-9258 : 2950 +/- 35 BP
Ly-2096 (Poz) : 3310 +/- 30 BP
Ly-2097 (Poz) : 3295 +/- 30 BP
Département de l’Orne
Goulet « Le Mont » (habitat, fouille C. Marcigny)
Ly-4361(OxA) : 3210 +/- 35 BP four St. 399 (charbon)
Merri « Camp de Bierre » (site fortiié, fouille de A. Chancerel et G. Verron)
Ly-464 : 2320 +/- 100 BP
Ly-465 : 2810 +/- 120 BP
Ly-466 : 2740 +/- 110 BP
Ly-3725 : 2500 +/- 140 BP
Ly-3726 : 2290 +/- 180 BP
142